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tropole, au lieu de les diriger sur Ladysmith, il les a dirigées sur Kimberley, c’est-à-dire sur l’extrémité, à l’ouest, de la ligne de bataille des Boers. Il a surpris Kronje, qui ne s’attendait pas à cette brusque attaque, et n’était d’ailleurs pas en mesure d’y résister. La suite des événemens s’est déroulée avec cette logique qui tient à la nature même des choses, et qui n’est jamais plus apparente qu’à la guerre. Leur aile gauche ayant été brisée, enlevée et débordée, les Boers étaient menacés sur leurs derrières ; les lignes de défense qu’ils avaient pu établir au nord de Ladysmith étaient tournées ; le Transvaal lui-même était à découvert. C’est pourquoi la levée immédiate du siège de Ladysmith s’imposait, et les Boers auraient commis la faute suprême en le continuant un jour de plus. Heureusement pour eux, ils ont pris leur parti et l’ont exécuté avec une grande rapidité. Ils ont perdu à cela l’honneur de prendre le général White et son corps d’armée ; mais ils ont pu faire face à lord Roberts, reconstituer leur aile droite détruite, et porter leur principale résistance sur le point où avait lieu contre eux la principale et la plus redoutable agression. En somme, les résultats de cette décision n’ont pas tardé à se manifester. Après la capture ; de Kronje, on avait cru que lord Roberts allait marcher sur Bloeinfontein, capitale de l’État libre d’Orange, et que rien ne pouvait s’opposer à sa marche victorieuse. On présentait volontiers, à Londres, les Boers comme complètement démoralisés. Les choses ne se sont point passées ainsi. Lorsque lord Roberts a voulu marcher vers l’Est, il a rencontré les Boers à cheval sur la rivière Modder, et, s’il les a battus dans quelques combats sans importance décisive, toujours en tournant brusquement une de leurs ailes, car il continue d’employer de préférence le procédé qui lui a jusqu’à présent si bien réussi, il ne semble pourtant pas qu’il ait encore occupé une portion quelque peu appréciable du territoire de l’Orange. En somme, il en est au même point qu’il y a quinze jours, ce qui donne à croire que son succès, quelque brillant qu’il ait été, — et nous ne voulons certes pas en diminuer la valeur, — n’a pas été un de ces coups de foudre devant lesquels tout plie à la guerre. La résistance des Boers n’a point fléchi, et lord Roberts en est encore à faire un pas de plus.

Il faut ajouter, pour donner un tableau complet de la situation, que le danger d’un soulèvement des Afrikanders de la colonie du Cap, au lieu de diminuer à la suite des succès remportés par les Anglais, n’a fait qu’augmenter. Ici, les prévisions qui semblaient les plus naturelles ont été déjouées. Si les Afrikanders devaient se soulever, pourquoi ne l’ont-ils pas fait dès le début des hostilités, à un moment où leur