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tant de revers pénibles, cette sensation de la victoire qui agit si puissamment sur l’âme de tous les peuples.

Le procédé qu’il a employé est d’ailleurs très simple ; mais ce sont les plus simples et dès lors les plus sensés qui réussissent le mieux à la guerre. Ladysmith avait pris, au cours des événemens et, on peut le dire, par le fait du pur hasard, une importance militaire absolument artificielle. La fortune avait voulu que, dès le début des hostilités, le général White y fût enfermé avec environ dix mille hommes. Les Boers l’y avaient assiégé et, depuis lors, ils avaient victorieusement repoussé les nombreux assauts dirigés contre eux. La question qui dominait tout était de savoir si Ladysmith serait ou non obligée de capituler. C’était une faute, aussi bien pour l’un que pour l’autre des belligérans, de réduire tout leur effort à ce point unique, comme si tout en dépendait effectivement, et comme s’il suffisait aux Boers de prendre Ladysmith pour terminer la guerre, ou aux Anglais de la débloquer pour obtenir le succès définitif. Il faut, d’ailleurs, avouer que la faute commise était beaucoup plus excusable de la part des Boers que de la part des Anglais, puisque les premiers avaient été toujours vainqueurs dans les combats livrés autour de la place, et les seconds toujours battus. Comment, dans ces conditions, le général Joubert aurait-il pu lever le siège de Ladysmith ? Il lui aurait fallu, pour cela, une clairvoyance et une résolution peu communes, et il est douteux qu’à sa place, tout autre général aurait fait autre chose que lui. L’aveugle obstination des Anglais à attaquer de front une position si fortement défendue qu’elle était presque imprenable témoignait, au contraire, d’une véritable déraison. Non pas que ces attaques directes contre l’année assiégeante fussent fatalement condamnées à un échec final ; il est bien clair que, si les Anglais avaient porté là toutes leurs forces, ils auraient pu y briser la résistance des Boers ; mais cela leur aurait coûté extrêmement cher, et ils se seraient trouvés, le lendemain, dans une situation très difficile. Tout fait croire, en effet, que, derrière leur première ligne de défense, les Boers en avaient échelonné plusieurs autres, et ils les auraient, successivement défendues avec la même énergie. Lord Roberts a appliqué à la guerre la théorie du moindre effort : il a atteint de plus importans résultats avec des moyens moins onéreux. S’il est vrai que, pour les deux adversaires, c’était une faute de tout subordonner à Ladysmith et de négliger tout le reste, celui qui y renoncerait le premier avait chance de remporter de grands avantages, et celui-là a été lord Roberts. Après avoir réuni des forces considérables, formées des renforts qu’il avait enfin reçus de la mé-