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une partie de l’opposition. Mais, si l’on veut être impartial, on est obligé de reconnaître que ce point de vue n’est qu’imparfaitement justifié par les faits. Comme nous l’avons constaté plus haut, la Chambre, dans sa séance du 4 mars, avait approuvé en principe, par 310 voix contre 93, les projets du général Pelloux. Puis, lorsqu’il fut devenu évident que l’obstruction de l’Extrême-Gauche empêcherait le vote final d’intervenir, c’est d’accord avec la commission de la Chambre que le général avait rédigé le texte du décret du 22 juin. Enfin, avant la clôture, le 30 juin, le gouvernement avait obtenu un nouveau vote de confiance, qui portait non pas sur sa politique générale, mais sur le décret même. Aussi n’hésitons-nous pas à dire que le gouvernement, dans cette circonstance, agissait en parfait accord avec la grande majorité de la Chambre. Il y avait, cependant, un point faible dans sa thèse. Que faisait-il du Sénat, dont le concours, en matière législative, est aussi nécessaire que celui de la Chambre ? Le Sénat n’avait pas encore été consulté, n’avait eu, par conséquent, aucun moyen d’exprimer sa manière de voir. On pouvait dire, il est vrai, que son adhésion ne faisait aucun doute, puisque, plus encore que la Chambre, il est composé d’hommes dévoués aux institutions existantes. Mais ce n’est là qu’un argument d’ordre moral, sans aucune valeur légale, une simple hypothèse. En sorte que le ministère, s’il avait la Chambre avec lui, ne pouvait, avec certitude, en dire autant du Parlement dans son ensemble. Cette circonstance nous conduit à adopter ce point de vue : si le gouvernement pouvait, à titre d’argument d’ordre moral, invoquer l’altitude favorable de la grande majorité de la Chambre, comme le faisait le général Pelloux dans son rapport au roi, il lui était plus difficile de s’en prévaloir pour donner à son action une base légale inattaquable. A notre sens, il devait plutôt chercher cette base légale dans le droit qu’il pouvait prétendre avoir de faire usage du décret-loi en général, sans même que les Chambres eussent exprimé un avis quelconque.

Nous arrivons ainsi au second aspect de la question : la constitutionnalité du décret du 22 juin. Ce terrain est fertile en controverses. Tandis que l’article 14 de la Constitution autrichienne accorde formellement au gouvernement, en l’absence du Parlement, le droit de gouverner par décrets, la Constitution italienne ne contient aucune clause semblable. C’est on fait, à défaut d’y être autorisé par la loi, que le gouvernement italien s’est d’abord