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qu’il peut s’échapper, vient visiter le châtelain. Même quand Peiresc est absent, Gassendi ne manque guère, s’il passe à portée de Belgentier, de pousser jusque-là et sachant le plaisir qu’il fera à son ami, il lui écrit pour le mettre au courant de tout ce qu’il a vu. « Je ne dois pas partir de ce beau lieu, lui mande-t-il le 8 mai 1635, sans vous dire que je l’ai trouvé tel que je rapporterai à une singulière faveur d’y revenir toutes les fois qu’il vous plaira de m’y convier par votre présence. Je crois que si l’état de vos affaires ne rend pas quelque jour votre présence extrêmement nécessaire à Aix, vous serez le plus aise du monde de venir donner vos derniers jours au même lieu qui vous a vu naître. Et pourquoi non, puisque si avant que de venir au monde il vous eût été possible de choisir un lieu natal, il semble que vous eussiez dû faire choix de celui-ci. Il est vrai que vous l’avez en partie rendu tel. »

L’attachement que Peiresc avait pour Belgentier devint avec les années de plus en plus vif ; il avait sa source dans un amour de la nature que personne à cette époque ne posséda au même degré que lui. Même lorsqu’il y est absolument seul, il trouve un charme infini à la vie qu’il y mène. Il a beau dire « qu’il est à Belgentier comme au désert, sans autre commerce que de quelques pauvres livres et des bons pères chartreux de Montrieux, » il se sent parfaitement heureux et quand il peut y prolonger son séjour un peu plus que d’habitude, il vante « les agrémens de sa tranquillité champêtre. » C’est toujours à regret qu’il y renonce et il faut des obligations auxquelles il ne peut se soustraire pour « le tirer de cette douceur des champs. » Dès qu’il peut, il y revient et, parti d’Aix encore très souffrant, il se remet promptement « à ce bon air natal où il recouvre bien plus de vigueur qu’il n’en a eu depuis longtemps. » Il énumère avec joie les menus plaisirs de sa convalescence. Autour de lui, tout l’intéresse : la vie de ses tenanciers, la réussite de leurs récoltes, ses herborisations sur les montagnes des environs ; une caverne qu’il fait déblayer à Pachoquin, et « qui est pleine de merveilles de la nature si exquises qu’en tous ses voyages, il ne lui est point arrivé d’en voir de semblables ; » ses petits séjours à la Chartreuse de Montrieux, où il va passer les jours de grandes fêtes dans cette admirable retraite, tout égayée par l’abondance des sources vives qui s’épandent de tous côtés sous les grands arbres. A Belgentier même, il a ses jardins, ses plantations, la floraison des plantes exotiques qui ont échappé aux rigueurs de l’hiver. Il est plus fier