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Peiresc est également curieux de belles éditions ; il s’y connaît et parle avec le goût le plus fin de toutes les conditions qui font un beau livre. S’étant chargé de surveiller la publication des Poésies latines du cardinal Barberini qui s’impriment à Paris, il discute en expert avec l’éditeur la question du papier, celle du format, des caractères, des marges, et l’arrangement du titre de manière à obtenir l’aspect le plus agréable à l’œil. Pour triompher des résistances de cet éditeur qui ne se trouve pas suffisamment rémunéré, il ajoute de sa poche au prix convenu pour la dépense, sans en rien dire à l’intéressé. Il a aussi grand soin de ses livres, et la reliure « des plus notables, de ceux qui méritent le mieux d’être lus de bout à aultre » est de sa part l’objet d’une attention particulière. Il fait venir du Levant des peaux de maroquin choisi, et son monogramme, composé de ses initiales en caractères grecs, est gravé sur le plat de ces volumes. A chacun de ses voyages à Paris, il ne manque pas de faire provision pour son relieur, son cher Corberan, des fers les plus fins, les plus habilement ouvragés. Mais ses livres, même les mieux habillés, ne sont jamais pour lui un objet de parade : ils restent avant tout des instrumens d’étude : un bibliophile crierait à la profanation en le voyant couvrir leurs marges d’annotations et de commentaires, qui ajoutent aujourd’hui singulièrement à leur prix[1]. Ce n’est pas seulement à lui d’ailleurs que servent ses livres ; il les prête, il les donne avec une générosité extrême : il y a des ouvrages qu’il a successivement rachetés en quatre ou cinq exemplaires pour en faire présent à ceux qu’ils peuvent intéresser.

En ce qui concerne les lettres pures, ses relations mêmes témoignent assez de ses goûts. Nous avons dit quelle affection reconnaissante il garda toujours au chancelier du Vair qui de bonne heure l’avait distingué ; il était, aussi, lié avec le chancelier Séguier, avec Balzac, avec les évêques Coëffeteau et de F Aubes-pin, avec les Du Puy et de Thou. Le poète Saint-Amand fut quelque temps son hôte à Belgentier, et toute sa vie il demeura le plus intime et le plus fidèle ami de François Malherbe. Ce qu’il prisait par-dessus tout chez un écrivain c’était la clarté, la concision, la force et le naturel, et son style a ces mêmes qualités. Comme

  1. La Méjanes, à Aix, et M. Arbaud dans sa collection, une des plus riches et des plus choisies que nous connaissions pour la beauté de ses éditions et de ses reliures, possèdent un assez grand nombre de livres provenant de la bibliothèque de Peiresc.