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tous les jours et, bien qu’attiré par l’antiquité, il n’oublie pas le temps présent. Il est tenu au courant de ce qui se passe dans les divers pays de l’Europe, en Angleterre, en Espagne, en Italie. Quand il est à Paris, il suit de près le mouvement politique et rend un compte fidèle à son frère ou à ses amis des événemens dont il est témoin. Ses lettres contiennent les plus curieux détails sur le raccommodement du roi et de la reine-mère à Brissac, sur la rentrée de Marie de Médicis à Paris, sur la façon dont les principaux seigneurs compromis dans les luttes précédentes font leur soumission et cherchent à tirer leur épingle du jeu. Est-il à Aix, sa correspondance nous renseigne, par le menu, sur la vie de cette petite capitale, sur les démêlés du Parlement avec le duc de Guise, gouverneur de la Provence, sur les questions de préséance et d’étiquette et l’importance qu’on y attache ; sur les fêtes qui se donnent, sur les mœurs, sur l’origine et les alliances des grandes familles. Observateur intelligent, véridique et bien posé pour tout savoir, il juge avec impartialité les gens et caractérise en quelques traits leur personne ou leurs actes. Avec lui, on pénètre successivement dans les mondes les plus divers ; on les voit s’agiter, avec leurs passions, leurs intrigues, leurs travers, ou leurs qualités propres.

La bibliothèque de Peiresc n’était pas moins riche que ses collections et tous les sujets d’étude s’y trouvaient représentés. Il est friand de manuscrits des auteurs grecs ou latins, aussi bien que des éditions savantes qui en sont données en Hollande, en Belgique ou en France. Il recherche avec grand soin les bibles polyglottes et les plus anciennes versions des textes sacrés. A l’un de ses amis qui part pour l’Italie, il signale les lieux de dépôt où il a le plus de chances de faire une abondante récolte et il lui recommande en particulier de fouiller les couvens de Subiaco, du Mont-Cassin, de la Gava, afin de comparer entre elles les versions différentes qu’ils peuvent posséder. Pour que les recherches aient quelque chance d’aboutir, il doit d’abord se bien faire venir de tous. Le patriarche de Constantinople est chargé, de son côté, par Peiresc de faire exécuter pour lui des transcriptions des manuscrits les plus précieux qu’il pourra trouver, de quelque matière qu’ils traitent. Il y a une certaine grammaire samaritaine qu’il a longtemps guettée, sans parvenir à l’acheter et « à laquelle il avait fait l’amour vingt ans avant qu’il pût l’acquérir, alors qu’il n’y espérait plus du tout. »