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musée de Meermanno-Westhrenianum à la Haye[1], nous renseigne sur les acquisitions de médailles ou de monnaies qu’il faisait un peu de toutes mains dans ses voyages : « d’un marchand obscur… d’un lapidaire venu des Indes, d’un paysan qui fouille ordinairement dans la rivière de Seine à Paris. » Quant à la composition même de ses collections, deux volumes conservés au cabinet des Estampes[2] et accompagnés de dessins dont quelques-uns sont fort remarquables, nous montrent divisés par catégories les principaux objets qui s’y trouvaient rassemblés. Sans même parler des curiosités naturelles on trouve de tout dans ce précieux cabinet qui a, comme l’esprit de Peiresc, un caractère vraiment encyclopédique. Préparé comme il l’est, son possesseur arrive à découvrir la signification jusque-là ignorée de certains camées et il rêve même une publication dans laquelle les plus célèbres de ces camées seraient reproduits avec soin et accompagnés de savans commentaires, pour lesquels il s’était assuré la collaboration des érudits les plus réputés de ce temps : Rubens, Rockox et Gevaert en Flandre, le cavalier del Pozzo en Italie, les frères Du Puy, et Rigault en France. Un des premiers, il a distingué des différences entre les styles d’époques qu’on avait toujours confondues et il s’est préoccupé de la conservation et de l’étude des monumens du moyen âge que ses contemporains tenaient en assez médiocre estime. Ainsi que M. Léopold Delisle l’a fait observer avec raison : « Les notes qu’il a laissées sur le livre d’heures de la reine Jeanne de Navarre et sur la tapisserie de la bataille de Formigni donnent la mesure de l’exactitude et de la perspicacité avec laquelle il savait interroger les monumens. » Il croyait, par exemple, qu’on avait beaucoup exagéré l’antiquité de certaines sculptures de Saint-Denis dont on attribuait alors l’exécution aux carlovingiens et qui ne datent que de saint Louis. Désireux de fournir à l’étude de la Provence des documens positifs, il en fait par deux fois graver à ses frais la carte géographique et, vers 1620, il donne l’ordre de reproduire en Italie une suite de quinze pièces des tournois du roi René d’Anjou d’après des peintures originales.

L’histoire est d’ailleurs pour lui une chose qui se continue

  1. Ce manuscrit en deux volumes a fait l’objet d’une lecture de M. de Dompierre de Chauffepie à la Société royale de Numismatique de Bruxelles, le 7 juillet 1895.
  2. Sous le titre : Raretés trouvées dans le Cabinet de feu M. de Peiresc ; in-fol. Aa, 53 et 54.