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gomme aussi odoriférante que celle qui vient d’Arabie[1]. » Sur ce sol privilégié Peiresc voudrait acclimater tous les végétaux qu’en échange de ses propres envois, lui adressent ses correspondans de Paris, de Bretagne, de Hollande, d’Italie, de Portugal, d’Afrique, du Japon, de la Chine et de la Perse. Il reçoit des bulbes du cap de Bonne-Espérance, des semences du Levant, des plantes de tous les pays et il adresse de vifs reproches aux commissionnaires quand, par leur faute, ces plantes lui arrivent desséchées, pourries ou entamées par la dent des rats, qui « en mangent les bourgeons dans l’estive des navires. » Il prend grand intérêt à tous les jardins botaniques qui commencent à se répandre, s’informe de la façon dont les végétaux y sont classés, des soins qu’on prend pour leur conservation. Il vante à de l’Ecluse l’installation du Jardin des Simples que Richer de Belleval a créé à Montpellier et lui envoie un dessin du puits artificiel qu’il avait imaginé pour y garderies « plantes qui naissent ès lieux humides et froids, » comme les capillaires. Il applaudit au développement du Jardin du roi à Paris et à la nomination — comme auxiliaire de Guy de la Brosse et probablement sur la demande de ce dernier — de Vespasien Robin, « simpliciste du roi[2]. »

Peiresc souhaiterait avoir lui-même « un petit coin en lieu commode pour être couvert durant l’hyver et secouru d’un poêle durant la grosse rigueur du froid, ainsi que le pratiquait le prince palatin à Heidelberg, par le moyen duquel soin il conservait des orangers plantés en pleine terre, qui avaient le tronc gros comme la cuisse. » Attentif à tous les progrès d’une horticulture encore bien élémentaire, il s’applique à réunir à Belgentier toutes les variétés de légumes et d’arbres fruitiers qui conviennent le mieux à la région. Il cherche à se procurer des semences de choix, à corriger pur des greffes « l’âpreté dés sauvageons, » à obtenir par une culture intelligente les fruits les meilleurs et les plus beaux. Il a une nombreuse collection de pommiers, de poiriers et d’orangers de toute provenance, dont il éprouve la rusticité et compare les produits qu’il déguste en connaisseur et classe suivant leur saveur et leur fécondité. On lui a fait don de fraises du Canada

  1. Le curé actuel de Belgentier. l’abbé Jacquier, prêtre instruit et grand admirateur de Peiresc, me dit qu’il récolte encore du styrax sur le territoire de la commune et qu’il s’en sert comme d’encens dans son église.
  2. Il était depuis longtemps en relations suivies de lettres et d’échanges avec Robin, qui lui procurait un jardinier pour remplacer celui qu’il avait fallu renvoyer de Belgentier à la suite de plusieurs méfaits.