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une autre lettre à Du Puy (28 juillet 1629), il convient « de fournir de la matière à ces grands personnages, d’exercer leur bel esprit et d’aller fouiller dans leur grande lecture des choses non communes pour en arracher des notices auxquelles ils n’auraient pas daigné penser si on ne les avait pas chatouillés de la sorte, ce qui m’a d’autres fois réussi fort à souhait, envers feu M. de la Scale et autres grands hommes de lettres. »

Tous les efforts de Peiresc tendent à mettre les honnêtes gens en rapport les uns avec les autres de manière à faire concourir leurs travaux au bien de l’humanité. Prêchant d’exemple, il accueille de son mieux les lettrés ou les savans qu’on lui adresse, il les reçoit chez lui et les comble de prévenances. Chacun de ces visiteurs devient un ami de plus, sur lequel il peut désormais compter et qui lui servira à son tour pour nouer de nouvelles relations. Aussi sa maison d’Aix est-elle un centre où se réunissent tous les érudits de la Provence. Les voyageurs se détournent de leur route pour l’y visiter, pour y voir les collections qu’il a rassemblées. Cette maison, dit Gabriel Naudé, « ressemblait à un marché très fréquenté, rempli des marchandises les plus précieuses provenant des deux Indes, de l’Ethiopie, de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Angleterre et des provinces voisines. Aucun navire n’entrait dans les ports de France sans apporter pour Peiresc des statues de marbre, des manuscrits samaritains, coptes, arabes, hébreux, chinois, grecs, les restes de l’antiquité la plus reculée. »

A Paris, par la nature même de son esprit et de son caractère, Peiresc servait également de lien entre les hommes intelligens dont il faisait sa société. Nous avons vu qu’il était heureux de rencontrer chez du Vair plusieurs écrivains distingués avec qui il s’entretenait des choses qui les intéressaient. Ces réunions d’abord peu suivies et irrégulières devaient, avec le temps, prendre plus d’importance, et personne plus que Peiresc n’applaudit à leur succès. Aussi, plus tard, sachant tout le plaisir qu’il lui ferait, le P. Mersenne s’empressait de lui écrire de Paris : « Nous avons maintenant une Académie française qui se tient chez M. le Garde des Sceaux (Pierre Séguier) qui en est, et M. Servien, Bautru, Balzac et les autres. Ils donnent la loi au langage et feront une grammaire et un dictionnaire… Si elle dure, nous en devons attendre un grand fruit[1]. » Les désirs de Peiresc s’étaient réalisés,

  1. Lettre du 2 août 1634.