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son retour, devait laisser dans son esprit une impression encore plus profonde. Par la conscience et l’étendue des recherches de ses savans dans tous les ordres d’études, la Hollande avait depuis longtemps attiré l’attention de Peiresc. Dès son séjour à Padoue, il était en correspondance suivie avec la plupart des hommes distingués de ce pays, entre autres avec de l’Ecluse, à qui il faisait des envois de plantes du Midi. Il eut donc grand plaisir à s’arrêter à Leyde pour s’entretenir avec lui ainsi qu’avec Scaliger. A la Haye, il voyait Grotius, qu’il devait plus tard retrouver à Paris, après son évasion du château de Lövenstein. En Belgique, il visitait la collection d’antiquités du peintre Wenceslas Cœberger, celle du bourgmestre d’Anvers Nicolas Rockox, et il recevait au château de Beaumont l’hospitalité du prince de Croï.

Après cette longue absence, Peiresc rentrait enfin à Aix, où il héritait de la charge de conseiller au Parlement dont son oncle était titulaire. Installé dans cette charge le 24 juin 1607, il y acquérait bientôt, grâce à son intelligence et à sa droiture, l’estime affectueuse de ses confrères. Mais ses fonctions étaient loin de suffire à son activité, et sa correspondance, ainsi que ses études très variées, se disputaient ses loisirs. Avec son mérite et sa fortune, il était en droit d’aspirer aux mariages les plus enviables. Son père le pressait en vain de fixer son choix, et, voyant son peu d’empressement à cet égard, il avait même préparé pour lui un établissement aussi honorable qu’avantageux. Peiresc déclinait respectueusement ses propositions. Jaloux de conserver son indépendance pour se livrer tout entier à ses chères études, il devait toujours, comme l’a dit un de ses amis, « mésestimer les femmes. » Son année était partagée entre sa résidence à Aix, où il avait sa bibliothèque et ses collections, et Belgentier, où il faisait de fréquens séjours. Son amour très vif de la campagne et de la nature l’y attirait de plus en plus. La situation de Belgentier explique assez, du reste, la prédilection que ce coin de terre lui avait inspirée. Bâtie dans une espèce de cirque naturel formé par les montagnes, l’habitation basse et spacieuse a conservé sinon ses dispositions intérieures, du moins son aspect ancien, tel que nous le montre la gravure d’Israël Silvestre exécutée vers le milieu du XVIIe siècle[1]. Avec les grands arbres qui la dominent, des ormes, des eucalyptus et quelques vieux platanes peut-être

  1. Elle appartenait alors au baron de Rians, neveu et héritier de Peiresc.