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dix ans, tout l’intérêt qui s’attachait à cette importante publication[1]. Par des extraits bien choisis et groupés avec art, il faisait magistralement ressortir la merveilleuse activité de Peiresc et ses aptitudes vraiment encyclopédiques. Rencontrant sur mon chemin cette attrayante figure de l’un des plus chers amis de Rubens, j’ai été à mon tour séduit par les solides et charmantes qualités de Peiresc. A l’aide de la suite de cette correspondance et des études qu’elle a provoquées, je voudrais essayer aujourd’hui de dégager les principaux traits de l’aimable physionomie d’un lettré et d’un savant qui fut en même temps un grand homme de bien.


I

La famille de Peiresc était ancienne. Un de ses ancêtres, originaire de Pise, était venu se fixer en France du temps de saint Louis. Son père, Raynaud de Fabri, conseiller du roi en la cour des comptes de Provence, habitait la ville d’Aix où siégeait cette cour, et il y avait épousé une jeune fille, Marguerite de Bompar, si remarquable par sa beauté qu’à son passage à Aix, Catherine de Médicis, la distinguant parmi ses compagnes, l’avait embrassée. C’est par elle que son mari était entré en possession de la seigneurie de Peiresc située dans les Basses-Alpes et dont leur fils devait prendre le nom[2]. A raison de la peste qui régnait à Aix, la cour s’était transportée à Brignoles, et c’est non loin de là, à Belgentier, dans un domaine appartenant à Raynaud de Fabri, que sa jeune femme, restée assez longtemps sans enfant, était accouchée, le 1er décembre 1580, d’un fils qui aux noms de Claude Fabri joignit plus tard celui de Peiresc. L’acte du baptême officiel, qui eut lieu à Belgentier le 20 décembre suivant, contient, à la suite de la mention des « perrin et merrine, » un souhait de longue vie pour le nouveau-né. Ce vœu ne devait pas être exaucé, car l’enfant resta toujours chétif, et, malgré la constante régularité de sa vie, il fut de bonne heure exposé à de nombreuses maladies. Mais il était plein de courage et, dès ses premières années, il montra le plus vif désir de s’instruire. Une partie de ses études

  1. Lecture faite le 23 novembre 1888 à la séance publique de l’Académie des Inscriptions.
  2. Le frère de Peiresc porta, de son côté, le nom de Valavès, emprunté à un autre domaine appartenant également à sa famille.