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pénétrer la lumière du ciel jusqu’aux racines mêmes de ses principes organiques ?

L’arrivée de l’escadre américaine sous les ordres du Commodore Perry, en 1852, va brusquer les événemens et fixer en coup d’Etat cette incomplète ébauche d’une révolution.


III

Le shogun, dont la flotte menaçante et les sommations du commodore ont rabattu la superbe et qui se voit obligé de traiter avec les barbares, fournit à ses vieux ennemis, les clans vaincus par Yeyasu, une occasion de s’insurger, que ne pouvait leur donner la vie monotone et fermée de l’Empire. Les méridionaux, Satsuma, Choshiu, Tosa, — les Sat-cho-to, comme on les nomme, — matérialisent en appétits ambitieux l’idéalisme obscur dont l’âme japonaise semblait travaillée. Et, comme toujours, sur cette terre de l’équivoque, les idées s’évaporent. Le Shogunal, favorable malgré lui aux Européens et dirigé dans ce sens par un de ses plus habiles ministres bientôt assassiné, a pour adversaires des hommes qui, une fois vainqueurs, se montreront les partisans les plus décidés de la civilisation européenne. Le vieil empereur, entêté de superstitions et qui hait l’étranger, remet sa cause à des princes, qui, sous couleur de le lui restituer, préméditent d’exploiter son patrimoine. Et ces princes sont menés par des chefs de samuraïs, qui ont déjà jugé l’incapacité et l’ignorance de leurs maîtres.

De 1852 à 1868, pendant seize ans, on s’équipe en prévision d’une lutte formidable. Les clans du Sud affluent à Kyoto et y investissent la résidence impériale, où les Kugés, ces majordomes du palais enchanté, se réveillent et s’agitent. Des bandes de ronins alléchés tiennent la campagne environnante. La cour de Yedo se dépeuple. La grande vague des Tokugawa se brise en morts subites et en héritiers éphémères. Le shogun rend ses otages. Princesses, femmes et filles de samuraïs regagnent leurs daïmiates, avec une mauvaise humeur de Parisiennes exilées à Quimper-Corentin. Leur habitude du luxe, leur snobisme, leur façon d’imiter en parlant les acteurs à la mode les dépaysent en leur pays natal, et les dames de la province songent que ces poupées shogunales ne vaudront rien pour les grands événemens qui se préparent. Des conciliabules politiques se tiennent dans les