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aussitôt interrompus entre Victor-Amédée et Briord. Avec Zinzendorf il se borne à protester de l’inviolable attachement de son maître pour l’Empereur ; mais, comme Victor-Amédée ne peut tenir tête seul aux forces réunies de la France, de l’Angleterre et de la Hollande, Vernon l’excuse de ne prendre aucun engagement avec l’Empire. Et Victor-Amédée de lui répondre en approuvant son langage, mais en lui recommandant avec Torcy de ne pas se montrer trop sollecito à propos de l’échange du Milanais, et avec Zinzendor de ne pas entrer trop avant dans la matière, « per la troppo pericolosa consequenza che potrebbe nascere quando potesse subodorarsene qualche cosa. « En même temps, il prend les mêmes précautions, et presque dans les mêmes termes, avec son ambassadeur à Vienne, le marquis de Prié, qu’il autorise à s’entretenir avec le comte d’Harrach, principal ministre de l’Empereur, du mariage possible de la princesse de Piémont avec l’archiduc Charles, mais en lui recommandant de bien se cacher de Villars, l’ambassadeur de France, et d’agir avec riserva et cautela, et en l’avertissant pardessus toute chose che deveva tenersi segretissimo questo pensiero accio non possa, per niun conto, subodorarsi dalla Francia[1]. »

Malgré ces menées tortueuses, Victor-Amédée ne parvenait cependant pas à pénétrer le secret des négociations qui se poursuivaient simultanément à Londres et à la Haye, et dont il continuait à demeurer exclu. C’est ainsi qu’il apprenait, par une dépêche de Vernon en date du 15 avril 1700, qu’un nouveau traité de partage, signé à Londres le 13 mars, venait d’être ratifié, le 25 du même mois, à la Haye, où Briord était arrivé juste à temps pour apposer sa signature au bas de l’acte que Tallard avait préparé. Par ce traité, la couronne d’Espagne était attribuée à l’Archiduc, Naples et la Sicile au Dauphin, le Milanais au duc de Lorraine, qui cédait ses États patrimoniaux à Louis XIV. Pour Victor-Amédée, rien. On peut penser son dépit, qu’il se voit cependant obligé de dissimuler, lorsque Louis XIV, à l’inverse de ce qu’il avait fait lors du premier traité de partage, prend son parti de communiquer ce traité à l’Europe, et charge son nouvel ambassadeur à Turin de solliciter l’adhésion de Victor-Amédée à ce démembrement anticipé et public de la monarchie d’Espagne.

  1. Archives de Turin, Lettere. Ministri Francia, mazzo 126-127. Vernon à Victor-Amédée, 12 sept., 9 nov., 16 nov., 20 nov. 1699, 15 mars, 19 mars, 1700. Victor-Amédée à Vernon, mazzo 126. 26 sept., 12 déc. 1699. Lettere Ministri Vienna, mazzo 31. Victor-Amédée au marquis de Prié, 23 janvier 1700.