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les autorisations de passage nécessaires vers la vallée du Sobat. Puis, le terrain une fois débroussaillé, la confiance rendue et les assurances utiles données à qui de droit, la question essentielle fut abordée. Sur les idées mêmes exposées par l’empereur Ménélik dans les premiers entretiens, une fois dégagées de préoccupations accessoires, il était aisé de s’entendre. On s’entendit, en effet : le 20 mars, l’accord était complet et formel.

Dès lors, la présence de M. Lagarde à Addis-Abbaba n’avait plus d’intérêt ; il pouvait laisser le champ libre à la mission anglaise, sauf à revenir plus tard ; il valait même mieux qu’il ne se rencontrât pas avec M. Rodd, dont le luxe et les largesses pourraient peut-être prêter à des comparaisons désobligeantes pour la France. Il quitta le 1er avril la capitale éthiopienne ; il mit M. Bonvalot, qu’il croisa sur sa route de retour, au courant de la situation générale des affaires, et arriva à Paris au milieu de mai, laissant derrière lui une situation politique que ni les efforts des Anglais ni ceux des Italiens ne réussirent à entamer.

Malheureusement, si l’on peut souvent se rendre maître du terrain diplomatique en y employant les moyens adéquats, il n’en va pas de même dans la lutte qu’il faut parfois livrer aux forces de la nature. Conformément aux ordres reçus, M. Clochette était parti par le nord-ouest pour les vallées du Sobat et du Nil, sans traverser les massifs montagneux de l’Abyssinie centrale. De son côté, M. Bonvalot, arrivé à Addis-Abbaba quelques jours après le départ de M. Lagarde, avait été encouragé par le négus et obtint de lui des animaux de bât et des convoyeurs. En juin, il rentrait en France, confiant à son second, M. de Bonchamp, l’exécution et la direction de la mission vers le Nil, qu’il avait organisée[1].

  1. M. Bonvalot rapporta d’Abyssinie l’impression qu’il serait désirable que plusieurs canonnières démontables fussent acheminées sur le Nil par la voie de Djibouti. Les crédits manquaient pour engager une aussi forte dépense ; le temps matériel même faisait défaut pour obtenir que les canonnières fussent livrées et expédiées dans les délais utiles. Eût-on possédé l’argent et les embarcations, comment et en combien de temps eût-on réussi à les transporter sur le Nil ? Les pertes de colis dans les caravanes, ordinaires ou officielles, étaient incessantes ; les obstacles devant lesquels se brisa l’énergie de MM. Clochette et de Bonchamp eussent été bien pires pour un matériel aussi considérable. D’ailleurs, à ce moment même, le Faidherbe naviguait sur le Bahr-el-Ghazal et se dirigeait vers le Nil. Comme il s’agissait, non pas de constituer une force militaire réelle, mais de montrer le pavillon à titre de démonstration pacifique et de prise de possession théorique, le but essentiel était d’ores et déjà atteint, sans qu’il fût besoin de recourir aux procédés coûteux et aléatoires préconisés par M. Bonvalot.