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c’est là sans doute la partie la plus ignorée de son rôle — de lui assurer de l’aide sur la rive droite du Nil.


III

Depuis que la France s’était établie à Obock et sur la côte des Somalis, ses relations avec l’Abyssinie n’avaient pas cessé d’être empreintes d’une très grande cordialité, sans avoir jamais encore cependant revêtu la forme d’une on tente expresse. La médiocrité des ressources financières mises par le Parlement à la disposition du gouverneur de Djibouti, — un demi-million par an en moyenne de 1887 à 1896, — ressources qui devaient pourvoir aux dépenses administratives proprement dites de notre établissement, ne laissait qu’une très petite marge aux frais divers qu’entraîne l’entretien de relations étroites avec un empire à la fois très divisé et très puissant. L’ignorance où l’on demeura longtemps, et, pour dire toute la vérité, jusqu’à l’issue de sa lutte victorieuse contre l’Italie, sur la force réelle de cet empire, sur les tendances de sa politique extérieure, sur son organisation interne et le jeu de ses partis, commandait de ne s’avancer qu’avec d’infinies précautions dans son intimité.

En réalité, en dehors du crédit que lui procuraient, auprès de populations ardemment chrétiennes, sa situation de protectrice des catholiques en Orient et des menus présens de pure courtoisie, la France ne disposait que d’une seule source d’influence auprès du négus Ménélik : Djibouti est l’unique et nécessaire débouché de l’Ethiopie sur la Mer-Rouge ; c’est par ce port, s’il ne voulait utiliser la voie anglaise de Zeilah, rendue très suspecte par les conditions générales de la politique européenne, que le négus était tenu d’acheminer les approvisionnemens nécessaires à ses services ; c’est par-là, en effet, que, durant le temps de paix, pénétrèrent en Abyssinie des quantités appréciables d’armes et de munitions. Mais cette situation, favorable dans le cours normal des choses, était plus gênante qu’utile dès que se déclarait l’état de guerre : contrainte par sa neutralité d’imposer au commerce des armes les défenses et restrictions prescrites par le droit des gens, la France inspirait à ses voisins d’Ethiopie, peu éclairés sur les obligations internationales, une défiance difficile à surmonter, dans le moment même où elle avait intérêt à se rapprocher d’eux.