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même pas toujours où on commence, on ne sait jamais où l’on s’arrête et comment on finit. »


Depuis quinze jours, la situation dans l’Afrique australe s’est modifiée d’une manière sensible et tout à l’avantage des Anglais ; mais non pas encore d’une manière décisive, et on aurait le même tort en attribuant dès aujourd’hui la victoire à lord Roberts et à lord Kitchener, qu’on aurait eu naguère en l’attribuant au général Joubert et aux braves Boers qui combattent sous ses ordres. La vérité est que les Anglais ont complètement modifié leur plan de campagne, — en quoi ils ont eu bien raison, car le premier qu’ils suivaient était détestable, — et que, dans l’exécution du nouveau, ils ont surpris le corps républicain chargé d’investir Kimberley. La ville a été débloquée, et le corps d’armée, commandé par le général Kronjé, a aussitôt battu en retraite vers l’Est, dans la direction de Bloemfontein. C’est un avantage considérable pour les Anglais : l’échiquier de la guerre en a été modifié. Depuis de longues semaines, tout l’effort de la guerre portait sur Ladysmith, que les Anglais s’obstinaient à vouloir délivrer, mais où ils venaient continuellement se briser contre la résistance des Boers. Ceux-ci étaient maîtres des points stratégiques les plus importans du pays, et rien n’avait réussi à les en déloger. La guerre, dans ces conditions, aurait pu durer longtemps encore sans produire plus de résultats que par le passé, à moins que les généraux anglais n’eussent concentré toutes leurs forces sur ce point, dans une bataille suprême qui aurait certainement été très sanglante, et dont rien ne prouve qu’ils seraient sortis vainqueurs. Les Boers avaient d’ailleurs dégarni leurs autres positions pour se fortifier dans celles-là, et c’est sans doute ce qui a donné au nouvel état-major britannique l’idée de porter brusquement son attaque sur le flanc droit de l’ennemi, avec l’espoir de jeter le désarroi dans l’armée boer tout entière et de l’affaiblir ainsi sur tous les points à la fois. Le plan préparé en secret et exécuté avec une heureuse rapidité a réussi, mais seulement en partie. Il a donné des résultats très importans, mais toutefois inférieurs à ceux que les Anglais s’étaient proposé d’atteindre. Ils ne s’étaient pas trompés en croyant que le général Kronjé se laisserait tout d’abord surprendre par leur attaque ; mais, s’ils comptaient en outre le déconcerter par une agression imprévue, l’entourer de toutes parts et le couper de sa ligne de retraite, tout ce qu’on peut dire de cette seconde partie de leurs projets, c’est qu’ils ne l’ont point encore réalisée.

Le général Kronjé, se sentant inférieur en forces et condamné, s’il