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universitaire, mais dans un intérêt politique, dans un intérêt de parti, que le gouvernement a présenté son projet de loi. Nous ne savons pas encore s’il a voulu faire une tentative sérieuse ou seulement une démonstration parlementaire, et l’avenir seul dira s’il tient à son projet ou s’il l’abandonne ; mais il n’y renoncera que devant une opposition sérieuse, et c’est pourquoi il faut entretenir cette opposition. En tout cas, on a déjà fait un grand mal en jetant dans les esprits et en imposant à leurs discussions les questions les plus propres à les diviser, comme si un gouvernement d’union républicaine devait être nécessairement un gouvernement de désunion nationale. Principiis obsta. C’est au début qu’il faut faire entendre un cri d’alarme et de protestation. M. Brunetière, dans la péroraison de son discours, a rappelé toute une série de mesures qui ont préparé progressivement la révocation de l’Édit de Nantes. Cette révocation ne s’est point, en effet, produite par une explosion subite et spontanée ; elle a été le dernier résultat et la consécration d’actes nombreux qui s’étaient succédé pendant plusieurs années. Ils ont laissé moins de traces dans les mémoires, parce que l’acte final a frappé les imaginations plus fortement et concentré sur lui seul tout l’odieux d’une politique détestable ; mais la persécution avait pris, longtemps avant le mois d’octobre 1685, des formes nombreuses, et, avant d’expulser les protestans de la France elle-même, on les avait chassés d’un grand nombre d’emplois. M. Brunetière l’a rappelé. On compare assez volontiers la liberté de l’enseignement et les lois qui l’ont consacrée à l’Édit de Nantes, comparaison excessive peut-être, mais dans laquelle il y a pourtant une part de vérité. On se dispute moins aujourd’hui sur le terrain religieux ; on le fait toujours sur le terrain de l’enseignement, et là encore, il peut y avoir des atteintes graves portées à la liberté et à la paix des consciences. Or, que demande le projet de loi ? De priver de certains emplois ceux qui sortent de certaines écoles. Si on obtient cela, soyez sûrs qu’on ira plus loin, et, puisque nous avons été amenés à parler incidemment de cette question de l’enseignement, nous emprunterons, pour conclure, à M. Brunetière les dernières paroles qu’il a adressées à son auditoire : « La loi, a-t-il dit, qui a conservé dans nos mœurs la liberté d’enseignement est notre Édit de Nantes ! Les mesures qu’on propose de prendre en seraient la révocation. Mais, messieurs, vous ne le voudrez pas ! Vous vous rappellerez les leçons de l’histoire ! Vous direz que l’unité morale ne se fonde point par la violence ou par la force, mais sur l’accord des volontés et des cœurs ! Et vous songerez enfin qu’au jeu cruel des proscriptions, si on ne sait