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presque impossible à observer. Celle-ci ne remonte jamais exactement au-dessus du point même où elle a été immergée, parce qu’elle est toujours entraînée par les courans. Du haut du navire on la distingue mal au milieu des vagues, parmi les jeux de la lumière, les teintes diverses de l’eau et l’éclairage inégal de la surface, d’autant plus qu’il faut non seulement la découvrir, mais saisir le moment précis de son apparition. En outre, si la vitesse de descente du système est sensiblement uniforme, la vitesse de remontée s’accélère au contraire en approchant de la surface, et d’autant plus que la profondeur est plus grande. En dernier lieu, fait que l’on ne soupçonnait même pas à cette époque, ce flotteur en bois ou en liège devait le plus souvent ne pas revenir. Actuellement, quand on exécute des chalutages profonds, les lièges disposés sur le bord supérieur du filet et destinés à maintenir ouverte la poche où pénètrent les animaux, reviennent tellement comprimés par l’énorme pression qu’ils ont supportée, que si on les rejette à l’eau, ils s’y enfoncent verticalement et disparaissent aussi vite que des pierres, dont ils ont presque acquis la densité.

L’invention fut donc abandonnée et, en attendant un nouveau perfectionnement, la mer profonde continua à rester insondable. On avait cessé de croire aux gouffres sans fond, et pourtant on ne possédait aucune preuve pratique qui permît de ne plus croire à leur existence.

Les spéculations théoriques ne chômaient pourtant pas. Quelquefois elles étaient vraies. Ainsi, en 1678, le P. Kircher pensait que, par raison de symétrie, les mers devaient être aussi profondes que les montagnes sont hautes et, de ce que ces dernières se trouvent surtout au milieu des continens, il en concluait que les abîmes les plus profonds devaient se trouver au milieu des bassins océaniques. Telle fut, en 1725, l’opinion de Marsigli, qui estima la profondeur de la Méditerranée entre la France et l’Algérie à 1 400 toises ou 2 730 mètres, et, par un heureux hasard, cette évaluation est à peu près conforme à la réalité.

Vers 1672, Varenius remarquait l’inclinaison de la ligne dans l’eau et indiquait la correction à faire pour obtenir la profondeur exacte.

Pendant le XVIIIe siècle, la question demeura à l’étude. L’ingénieur hollandais Cruquius imagina de tracer des courbes d’égale profondeur pour donner une notion plus vraie du relief du fond, et en 1737, le géographe français Buache appliqua la méthode à