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ni la noblesse, ni la force ; elles sont dignes de l’antiquité. La première, qui a fait l’objet de longues et patientes études, renferme des beautés de premier ordre.

Le troisième tableau laisse voir Galatée parcourant les mers. La plus belle des néréides, entièrement nue, est assise sur un dauphin dont le corps disparaît en partie sous les eaux ; elle s’abandonne aux bras d’un triton qui la tient étroitement enlacée. Un second triton, en avant, sonne de la conque, tandis que deux nymphes apparaissent en arrière, portées par un monstre marin. Dans l’air, quatre amours, dont l’un décoche une flèche à Galatée, complètent la scène. Cette composition, heureusement ordonnée et judicieusement conduite, a le tort de rappeler, dans la disposition de ses élémens constitutifs, le chef-d’œuvre que Raphaël a exécuté pour Agostino Chigi. Il n’y a pas lieu de revenir sur un parallèle entre deux ouvrages qui n’ont de commun que le sujet et une ordonnance purement extérieure.

Le quatrième et dernier grand tableau représente l’Aurore enlevant Céphale. Tous deux sont emportés à travers l’espace dans un char d’or traîné par deux chevaux blancs. Céphale résiste, mais il résiste mollement et surtout silencieusement, car le bruit de la lutte n’a pas le pouvoir de réveiller le vieux Tithon, le mari.

Cette composition fait pendant à la Galatée parcourant les mers, mais elle soutient mal la comparaison. La plupart des peintures comprises dans les compartimens placés au-dessus des fenêtres, le cèdent d’ailleurs à celles qui leur font vis-à-vis. Il n’est pas difficile de découvrir la raison de cette infériorité. Carrache n’imaginait pas que les hommes arriveraient avec le temps à transformer la lumière en instrument docile, et que la galerie qu’il décorait pourrait, certains soirs, être éclairée, sans métaphore, a giorno. En véritable artiste, il devait se préoccuper de mettre en évidence, c’est-à-dire dans le jour le plus favorable, ses créations favorites. Il relégua, par conséquent, les autres dans la partie de la voûte où les yeux se reposent avec le moins de complaisance. Le reste de la frise est occupé par des tableaux coloriés, au nombre de quatre, et par huit médaillons monochromes que séparent des pilastres ornés de statues de marbre en chiaroscuro. Des cadres rectangulaires enferment les médaillons ; quant à l’espace vide, il est rempli dans le haut par des amours couchés, modelés avec désinvolture, l’attitude de l’un d’eux rappelle un des traits les plus chers à Téniers.