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feuille n’est plus un mystère, Ceylan est devenue la rivale des principaux pays de production de thé. Les thés de Ceylan ont conquis une faveur exceptionnelle sur le marché de Londres, à cause de leur parfum et de leur pureté, qui leur donnent une incontestable supériorité sur certains thés de la Chine et du Japon. Rien de plus éloquent, à cet égard, que les chiffres d’une statistique que j’ai sous les yeux, et qui s’étend sur quinze années, de 1882 à 1896[1]. En 1882, Ceylan exportait 697 208 livres de thé pour une valeur de 49 317 livres sterling ; en 1890, l’exportation s’élevait à 110 095193 livres pour une valeur de 2505 813 livres sterling. L’on voit que l’exportation de 1896 est à celle de 1882 comme 160 livres est à 1, ou comme 50 livres sterling est à 1. Au contraire, l’exportation du café, qui, on 1882, était de 429 203 quintaux pour une valeur de 1 430 679 livres sterling, descendait, en 1890, à 19 593 quintaux pour une valeur de 92 710 livres sterling. L’exportation de 1882 est donc à celle de 1896 comme 21 quintaux est à 1, ou comme 16 livres sterling est à 1. Ces chiffres attestent que le thé a supplanté complètement le café, et que Ceylan fait une redoutable concurrence à la Chine.

Ceylan est, comme Java, une colonie de plantation. C’est à la culture des produits tropicaux que s’adonnent la plupart des colons anglais, qui tiennent le haut du pavé, de même que les Hollandais à Java : ils écartent et découragent autant que possible les autres Européens, accaparent les meilleures terres et suscitent une foule de difficultés aux étrangers. Comme le climat est, en général, peu favorable aux Européens, le travail des plantations est presque entièrement fourni par des coolies recrutés parmi les Tamils de la côte de l’Inde : ces Tamils retournent ordinairement dans leur pays avec le petit pécule qu’ils ont amassé pendant deux ou trois saisons ; mais un certain nombre s’établissent à demeure dans l’île, où ils forment le noyau le plus utile de la population, et où ils supplantent peu à peu l’indolente race cinghalaise, qui est le principal élément de la population indigène.

Il y a, à Ceylan, particulièrement dans les districts maritimes qui furent occupés autrefois par les Portugais et les Hollandais, un grand nombre d’Eurasiens, terme générique sous lequel on désigne dans l’Inde les métis issus d’unions entre Européens et

  1. Statistical abstract for the several colonial and other possessions of the United kingdom from 1882 to 1896. Londres, 1897. — Publié par ordre du gouvernement.