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les forêts, en y jetant des ponts sur les rivières. La conquête des nouveaux districts fut secondée par une série de saisons favorables, en sorte que le café, qu’on avait supposé ne pouvoir dépasser la limite de 1 200 à 1 400 mètres, atteignit des altitudes de 1500 à 1 700 mètres. Les hauts prix du café se maintinrent sous l’administration du gouverneur Gregory ; les cultures envahirent de plus en plus les forêts des hautes régions ; il y eut une spéculation effrénée, si bien que les terres qui valaient autrefois 50 francs l’acre se vendaient de 500 à 700 francs. Dans un intervalle de dix années, de 1869 à 1871), le gouvernement de Ceylan vendit plus de 400 000 acres de terres de la Couronne, ce qui lui procura un revenu de plus d’un million de livres sterling. 100 000 acres de terres, situées généralement dans les districts élevés, furent affectés à la culture du café, et les capitaux engagés s’élevèrent au chiffre énorme de 2 millions à 2 millions et demi de livres sterling[1].

Cependant le petit champignon continuait lentement, mais sûrement, son œuvre de dévastation. Pour arrêter ses ravages, on employa vainement toutes les variétés d’engrais ; on eut vainement recours aux lumières des savans ; la science fut aussi impuissante contre l’Hemileia vastatrix que contre le phylloxéra. Au bout de dix ans, l’aire de la culture du café s’était agrandie de 50 pour 100 ; mais l’exportation annuelle était tombée aux trois quarts du chiffre atteint en 1870. Tandis que la maladie visitait aussi l’Inde et Java, elle épargnait le Brésil, qui, en inondant le marché de ses produits, ramenait le prix à l’ancien taux. Ce fut un désastre pour Ceylan, qui eut à lutter, vers la même époque, contre la dépression monétaire causée par plusieurs catastrophes financières survenues en Angleterre. Une série de saisons pluvieuses achevèrent de décourager les planteurs, au point que la plupart renoncèrent à la culture du café pour y substituer celle de produits nouveaux, tels que le quinquina et, plus tard, le thé.

Des savans, entre autres le docteur Thwaites, ont écrit l’histoire du champignon qui causa tant de ruines, et ils ont constaté que le mal ne s’est étendu si rapidement que parce qu’il a trouvé un aliment. L’erreur des planteurs fut de limiter les cultures à une seule plante, dans une immense zone, qui, antérieurement, était couverte d’une grande variété de végétaux. La nature a pris sa

  1. The origin and rise of the planting industry. Fergusson, Ceylon, ch. VI.