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somme de travail due à des bras innombrables. Aussi peut-on affirmer, avec Emerson Tonnent et d’autres écrivains, qu’aux jours de sa plus grande prospérité, Ceylan nourrissait certainement dix fois plus d’habitans qu’aujourd’hui[1].

Par une frappante analogie, Java, comme Ceylan, a eu autrefois une population très dense ; à Java comme à Ceylan, cette population fut décimée par le despotisme des radjas et réduite à son minimum il y un siècle ; à Java comme à Ceylan, l’accroissement de la population date de la conquête définitive de l’île par les Européens. Mais, grâce à la prodigieuse fertilité du sol, cet accroissement a été beaucoup plus rapide à Java, où la population s’est élevée, en quatre-vingts ans, de 3 millions à 25 millions, tandis qu’à Ceylan, elle ne s’est élevée que d’un million à trois millions.

La culture du café occupe, dans l’histoire de Ceylan, une place aussi importante que dans l’histoire de Java. Le précieux arbuste importé par les Arabes était connu à Ceylan bien avant l’arrivée des Portugais et des Hollandais ; mais les Cinghalais n’avaient aucune notion de la boisson qu’on peut retirer des baies de l’arbuste, et ils se bornaient à en utiliser les feuilles pour leur curry et les fleurs pour leurs offrandes à Bouddha. En 1740, les Hollandais firent leurs premiers essais de culture du café ; mais ces essais ne pouvaient réussir dans les terres basses où ils étaient pratiqués. Ce ne fut que lorsque les Anglais ouvrirent des voies de communication entre le littoral et les districts montagneux de l’intérieur de l’île que la culture put se développer. Le gouverneur de l’époque, sir Edward Barnes, donna l’élan en créant lui-même une plantation de café prés de Kandy, en 1825. Les progrès, toutefois, furent assez lents dans les premières années ; mais vingt ans plus tard, la culture avait pris un si prodigieux développement, qu’en 1815, Ceylan exportait 200 000 quintaux de café. C’est à peine si cette prospérité fut momentanément paralysée par la crise financière qui affecta l’Angleterre à cette époque. La confiance ne tarda pas à renaître, sous l’administration de sir Henry Ward, et la culture du café devint la principale industrie de Ceylan. Les Cinghalais suivirent l’exemple des planteurs européens, toute la contrée montagneuse devint une immense plantation de café ; près de la moitié du café expédié annuellement en

  1. Tennent, t. I, p. 423.