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garnison. Un officier, de l’armée des Indes écrivait, quelques années après, que les troupes, pensant avec raison qu’elles étaient trahies, voulurent se révolter, et que plusieurs coups de fusil furent dirigés contre la maison du gouverneur[1]. Sans la présence des Anglais, le gouverneur n’eut pu échapper à la vengeance des soldats. Même après la prise de Colombo, il vécut encore quelques années à Ceylan, et Thombe assure que, pris de remords, il mit lin à ses jours.

Plutôt que de vivre sous une domination détestée, beaucoup de colons hollandais quittèrent Ceylan, et la plupart allèrent s’établir à Java, qui devait, elle aussi, quelques années après, tomber aux mains des Anglais. En 1816, l’Angleterre sut noblement restituer Java à la Hollande, mais elle garda Ceylan, parce qu’elle la considérait comme la clef de l’Inde. Elle se fût sans doute gardée de restituer Java si elle avait connu alors la valeur de cette colonie.

Les premiers temps de l’occupation de Ceylan furent difficiles. Il s’agissait d’organiser l’administration de la nouvelle possession. En hommes pratiques, les Anglais maintinrent les Hollandais dans leurs fonctions, et aujourd’hui encore ce sont des burghers, c’est-à-dire des descendans de Hollandais qui sont généralement dans les emplois du gouvernement. Le fameux Pitt et lord Melville prétendaient soumettre Ceylan au gouvernement de la métropole. Mais elle avait été conquise par les troupes de la Compagnie des Indes Orientales, et c’est à la Compagnie que la cession en avait été faite : aussi la Cour des directeurs entendait-elle en conserver le gouvernement. Provisoirement, l’administration en fut confiée au conseil de Madras. Mais les agens de Madras pressurèrent tellement les indigènes, la perception des impôts donna lieu à de tels excès et à de telles atrocités, que la population exaspérée se révolta contre ses nouveaux maîtres. Il fallut envoyer contre les rebelles une troupe de cipayes, et ce fut au prix de sanglans combats que l’insurrection fut domptée. Ces malheureux débuts décidèrent Pitt à retirer l’administration de Ceylan à la Compagnie des Indes, et à placer cette colonie sous le contrôle direct de la Couronne. North, qui fut désigné comme le premier gouverneur de Ceylan, fut nommé par le roi, mais placé sous les ordres du gouverneur général de l’Inde, situation qui fut maintenue jusqu’à

  1. Thombe. Voyage aux Indes Orientales, 1811. — Tennent. t. II. p. 69.