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de Ceylan, et qu’il fallait abattre la petite nation rivale qui osait lui disputer le commerce de la mer des Indes[1].

Pour préparer la conquête de l’île, les Anglais fomentèrent adroitement des dissensions entre les Hollandais et le roi de Kandy : celui-ci se montra ainsi disposé à accepter l’aide des Anglais pour se débarrasser de ses maîtres, de même qu’un de ses ancêtres s’était empressé, cent cinquante ans plus tôt, d’accepter l’aide des Hollandais pour chasser de son pays les Portugais. Une expédition organisée par le gouverneur de Madras, lord Hobart, occupa successivement plusieurs places devant lesquelles elle mit le siège ; pendant que le roi de Kandy envoyait à Madras une ambassade cinghalaise pour négocier un traité entre la Grande-Bretagne et Kandy, le colonel Stuart entrait, en 1796, dans Colombo, sans que la garnison lui opposât la moindre résistance, et le gouverneur Van Engelbeck signait une capitulation, par laquelle il cédait à la Grande-Bretagne les places fortes, l’artillerie, les munitions, les archives et tout ce que renfermaient le trésor et les magasins. La garnison sortit avec les honneurs de la guerre, et le lendemain le pavillon anglais flottait sur les murs de Colombo.

Suivant Percival, officier anglais qui fit la campagne, les soldats de la garnison accusèrent hautement Van Engelbeck de trahison, accusation que les faits semblent pleinement confirmer. Percival raconte, en effet, que les Anglais ne rencontrèrent aucun obstacle dans leur marche à travers les jungles, où il eut été bien facile aux Hollandais de se dissimuler derrière les fourrés pour surprendre l’ennemi. Les Anglais ne furent nullement molestés lorsqu’ils franchirent les rivières sur des radeaux de bambou ; ils n’eurent qu’à se montrer pour que les Hollandais abandonnassent une batterie qu’ils avaient érigée à Grand Pass ; aux approches de Colombo ils essuyèrent quelques coups de feu ; mais leurs adversaires poursuivis se réfugièrent dans l’enceinte fortifiée, et, sans attendre l’attaque, se rendirent immédiatement[2]. Si les Anglais ne sont pas loin d’avouer la trahison du gouverneur, les Hollandais l’affirment hautement. Les nombreuses conférences du gouverneur avec un envoyé anglais, son altitude très équivoque ne laissèrent à cet égard aucun doute parmi la

  1. Emerson Tonnent, Ceylon, t. I, p. 64 et 65.
  2. Percival, Account of the Island of Ceylon, p. 118, 150, 180. — Tennent, t. II, p. 68.