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montrant à l’auguste voyageuse la loyale affection du peuple pour le Roi et l’ardeur des vœux universels pour son bonheur. Les étapes, au départ de Metz, furent à Malatour, Verdun, Clermont, Sainte-Menehould. A celle de Châlons, où les rimeurs clercs et laïques rivalisèrent de cantates, odes, églogues et devises, les députés de la ville de Reims surent aussi se faire remarquer, en apportant d’énormes corbeilles remplies de vins de Champagne et des boîtes de satin brodées et peintes contenant des confitures sèches du pays. Ce que Marie reçut avec le plus de plaisir fut le portrait du Roi enrichi de diamans, que lui remit le duc de Mortemart, premier gentilhomme de la Chambre, venu au-devant d’elle pour la complimenter au nom de son époux. Le soir du départ de Châlons, un orage d’une violence extraordinaire, qui éclata à l’arrivée à Vertus, rendit fort malaisée la recherche des logemens et empêcha les habitans de voir la Reine. La pluie, le tonnerre et les éclairs durèrent toute la nuit. Le lendemain, elle fut coucher à grand’peine à Sézanne, puis à Villenauxe, où elle fit au marquis de Saint-Chamant, lieutenant des gardes, l’honneur de descendre chez lui, ensuite à Provins, où Sa Majesté logea au couvent des religieuses bénédictines et s’amusa à les émerveiller, en leur montrant le portrait du Roi.

A mesure qu’on avançait, l’état des chemins rendait le trajet plus difficile. Assez souvent un fourgon s’embourbait ou se renversait et retardait tout le passage. On était obligé de prendre par les champs, et les accidens recommençaient de plus belle. Un jour, le carrosse de la Faculté y brisa un essieu et y demeura jusqu’au soir ; une autre fois, celui du duc d’Antin s’étant enlizé dans le gazon d’une prairie et le duc et sa compagnie ayant voulu en sortir, chacun s’enfonça dans la boue jusqu’au genou. Au soir de l’avant-dernière journée du voyage, qui était la dix-septième, la pluie devint torrentielle, tous les carrosses s’embourbèrent à la fois, sans qu’on pût songer à les retirer avant le lendemain. On alla prévenir M. le Duc, qui se trouvait à Montereau et qui envoya aussitôt des chaises de poste, des flambeaux et des lanternes, avec des vivres en cas de besoin. La Reine fut portée dans la berline de Mlle de Clermont, qui était plus légère que les carrosses, et put parvenir à Montereau à onze heures du soir. Malgré le désordre de cette arrivée, M. le Duc, les secrétaires d’Etat et les seigneurs qui attendaient la Reine lui furent présentés séance tenante. Toute la nuit, par ce temps affreux, on vit arriver, les