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L’abaissement ne dépend que du nombre des molécules. C’est la loi générale que nous avions annoncée.

Cette relation, d’une simplicité schématique, répond-elle à la réalité expérimentale ? Oui et non. Oui, si l’on considère les corps de la chimie organique, catégorie nombreuse. Pour tous ces corps, quelles que soient leur solubilité, leur fonction chimique et leur constitution, leur nature propre en un mot, la molécule, — par un mécanisme d’ailleurs entièrement inconnu, — abaisse de la même quantité le point de congélation de la solution[1].

Non, pour les corps de la chimie minérale, catégorie non moins immense, et pour les sels minéraux en particulier. Les abaissemens moléculaires varient et semblent échapper à toute discipline. Il faut distinguer entre les solutions étendues et les solutions concentrées et écarter ces dernières, si l’on veut apercevoir un commencement de régularité. On voit alors que pour les sels de même constitution, les abaissemens moléculaires sont sensiblement égaux. M. Raoult, après M. de Coppet, a divisé, d’après cela, les sels en un certain nombre de groupes à l’intérieur desquels la discipline égalitaire est observée par les molécules. Chacune a le même pouvoir d’abaissement cryoscopique[2]. Mais, d’un groupe à l’autre, il n’y a plus d’équivalence.

Si l’on fait un dernier pas, si l’on distingue enfin les solutions excessivement étendues de celles qui le sont modérément ; si, en un mot, l’on passe à la limite de dilution, les règles particulières font place à une règle unique ; la loi de l’équivalence moléculaire reparaît dans toute sa simplicité et sa généralité. À une condition toutefois :

  1. Les expériences ont porté sur un très grand nombre de ces substances : sucres, éthers, bases faibles, acides de la série grasse, alcools polyatomiques, glycérine, urée, etc. Avant d’admettre que l’abaissement moléculaire est le même (18,5) pour les solutions de tous les corps, il faut mettre hors de doute qu’il est le même pour les solutions de chacun d’entre eux, à quelque concentration qu’elles soient faites. Or, pour le sucre, les déterminations les plus récentes et les plus soignées donnent, pour des solutions au-dessous du millième, le chiffre 18,70, bien voisin de celui des solutions plus concentrées. Mais, d’autre part, il y a des cas plus ou moins exceptionnels, où les écarts sont assez considérables et pour lesquels, par conséquent, il ne semble pas permis de dire que l’abaissement moléculaire est indépendant de la concentration. Cela a lieu pour l’acide oxalique, par exemple. Pour quelques physiciens, cette prétendue exception serait une règle. Ils considèrent que l’abaissement moléculaire varie avec la concentration et qu’il n’est point permis d’en parler sans définir à quelle concentration il correspond. C’est là un exemple des discussions dont nous avons parlé plus haut.
  2. Ici, il ne s’agit véritablement que de résultats empiriques et d’une approximation grossière, vérifiés seulement à 1/15, à 1/10 ou même à 1/7 près. Les biologistes qui en font une application fréquente ne doivent pas ignorer que cette règle des coefficiens cryoscopiques, comme la règle des coefficiens isotoniques de de Vries, n’offrent pas le caractère de lois rigoureuses.