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attaquées à chaque assertion. Des expérimentateurs extrêmement soupçonneux, des logiciens rigoureux comme M. Ponsot, insensibles à la séduction exercée par la belle simplicité de cette doctrine lui disputent pied à pied le terrain. Et, puisque le principe même d’Avogadro, fondement de la chimie moderne, et le principe de l’attraction universelle, fondement de la mécanique céleste, sont soigneusement rabaissés, par les esprits exacts, à la condition d’une hypothèse ou d’un postulat, on ne s’étonnera pas qu’il en soit de même pour la doctrine qui rattache la plupart des propriétés des solutions au nombre des particules physiques.

Acceptons-la donc, tout au moins, comme une vérité provisoire, ou comme une première approximation. Elle nous permettra de comprendre l’intérêt qui s’attache à la Cryoscopie. L’abaissement du point de congélation d’une solution, la pression osmotique, la dépression de vapeur, l’abaissement du point d’ébullition, la conductibilité électrique, la diminution de solubilité, sont alors, à nos yeux, des grandeurs de diverses sortes qui se déduisent toutes de la concentration moléculaire — et inversement la concentration moléculaire peut se déduire de chacune d’elles. Il en résulte, évidemment, qu’elles peuvent se déduire les unes des autres.

Et, en fait, il en est ainsi, dans la pratique. Par exemple, si un physicien veut connaître la pression osmotique d’une solution, il ne s’astreint pas à la mesurer directement en plaçant la liqueur dans un osmomètre ; ce serait là une opération beaucoup trop pénible. Puisque l’on peut déduire la pression de l’une quelconque des autres mesures, le physicien choisira la plus simple, la plus commode, la plus facile à exécuter ; et c’est précisément la mesure cryoscopique. On voit par-là le développement que prend la cryoscopie, puisqu’en physique même, — indépendamment de ses applications, — elle alimente, par ses opérations, tant d’autres chapitres voisins. En fin de compte, l’intérêt de toutes ces études vient toujours, directement ou indirectement, de leur dépendance étroite avec le nombre moléculaire. C’est donc cette dépendance qu’il a fallu établir tout d’abord. C’est le premier résultat à obtenir ; c’est le plus essentiel ; on pourrait dire que c’est le seul.


V

Le problème consiste à mesurer, au moyen d’un thermomètre sensible, la température de congélation de diverses solutions, de