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à fait au Nord de la pointe Saint-Mathieu, permettent d’y placer l’ancien Staliocanus portas de Ptolémée, qui a occupé probablement une partie de la presqu’île de Kermorvan entre le port du Conquet et la petite anse des Blancs-Sablons[1]. L’avant-rade de Brest, très élargie par les deux anses de Bertheaume et de Camaret qui se font face, se rétrécit très brusquement ; et on pénètre dans la rade intérieure par un goulet de 5 kilomètres de longueur sur 2 kilomètres de largeur, formidablement défendu contre toutes les attaques du dehors.

Il existe peu de positions présentant de meilleures conditions naturelles pour un grand établissement à la fois maritime et militaire, et très certainement l’origine de Brest comme port et comme centre de population remonte aux origines mêmes de la civilisation. Certains archéologues y voient l’ancien Gesocribate de la carte de Peutinger. L’assimilation est un peu douteuse. On peut cependant regarder comme tout à fait certain que le port était connu et fréquenté par les flottes romaines. Les ruines d’un ancien castellum ont été trouvées dans le sous-sol de l’enceinte murale du château du moyen âge qui a subi depuis bien des transformations, mais dont les tours massives dominent toujours la Penfeld et la rade. Depuis lors, et presque, sans discontinuité, Brest a joué un rôle important dans toutes les expéditions maritimes, soit comme point de débarquement, soit comme point de défense ; mais le port proprement dit et l’arsenal ne datent guère que du XVe siècle, et les premiers grands travaux d’aménagement sur les deux rives de la Penfeld sont l’œuvre de Colbert et de Vauban.

Tout était et est resté naturellement soumis à la suprématie de la marine militaire ; et jusqu’à ces derniers temps les navires de commerce ne pouvaient accoster qu’à l’entrée de la rivière où ils ne disposaient que d’un quai d’une centaine de mètres à peine, obligés de tenir le chenal libre au moindre passage d’un bateau quelconque de l’Etat, grevés de toutes les servitudes et de toutes les sujétions résultant du contact permanent avec un voisin tout-puissant. Cette situation était intolérable ; et dès la fin du XVIIIe siècle, on résolut de s’en affranchir et de créer tout d’une pièce un port de commerce indépendant, en dehors des eaux de la Penfeld. C’est le port actuel de Porstrein, qui comprend

  1. Σταλιόϰανος λιμὴν (Staliokanos limên) 16°30’50". Ptol., II, VIII, 2. — Le Men, Bull. de la Société Archéologique du Finistère, juillet 1874.

    R. Kerviler, Mém. de l’Associat. bretonne, 1873.