Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/880

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Lorient ; mais toute la partie du fleuve qui longe l’arsenal moderne, sur près de deux kilomètres de longueur et 200 mètres de largeur moyenne, constitue un magnifique bassin naturel, dans lequel la riche Compagnie put à son aise développer ses installations et qui fut un moment le grand entrepôt de notre commerce avec les Indes. Lorient, au XVIIe siècle, fut réellement pendant quelques années le port de France qui entretenait le plus de relations avec les pays d’outre-mer.

Les empiétemens de la marine militaire devaient nécessairement causer de sérieuses entraves aux opérations de la Compagnie des Indes. Colbert, qui était à la fois son président et ministre de la Marine, n’hésita pas à s’établir en maître « au lieu d’Orient, » et y fit construire presque tous ses navires de guerre dans l’espoir de rivaliser avec les flottes de la Hollande et de l’Angleterre. l’eu à peu, la Compagnie fut gênée dans ses opérations, expulsée de ses emplacemens et dépouillée de ses approvisionnemens. Obligée de quitter l’excellent mouillage du Scorff, elle fut reléguée dans la rade et jusque dans les eaux de l’île de Groix. Les conquêtes des Anglais dans les presqu’îles du Gange et la perte de nos colonies complétèrent sa ruine. Tout son matériel, ses chantiers, ses navires, ses magasins, devinrent la propriété de l’Etat, et c’est ainsi que le « lieu d’Orient » s’est transformé et est devenu presque exclusivement l’un des cinq arsenaux militaires de la France[1].

Lorient a aujourd’hui deux ports distincts : le port militaire qui comprend la rade et surtout le Scorff, dont les rives sont garnies de magnifiques bassins, bordées de larges quais, de formes de radoub, de magasins, ancien domaine de la Compagnie des Indes pour ainsi dire expropriée ; et le port de commerce de construction toute récente dans l’anse de Faouëdic. Celui-ci est aussi très heureusement aménagé. On y accède par un long havre d’échouage de 160 mètres de longueur qui constitue un avant-port de près d’un hectare et demi, débouche dans le Scorff, et dont l’entrée est protégée par une digue de 600 mètres de longueur. Il présente lui-même une surface utile de près de 3 hectares ; il est entouré de larges quais couverts de rails, et son mouvement commercial, indépendamment de la pêche, toujours très active dans ces parages, est de plus de 80 000 tonnes.

  1. Jégou, Hist. de la fondation de la ville de Lorient, 1870.