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place ; mais on sait qu’en d’autres points de la côte bretonne, notamment à Locmariaker, à Talmont, à Belle-Isle et dans tout le pays d’Olonne, des blocs colossaux ont été transportés d’assez loin. A Belle-Isle notamment, qui est un massif exclusivement composé de roches schisteuses, on rencontre des menhirs de granit ; et le dolmen de la Trébouchère, près de Talmont dans le Poitou, en plein pays calcaire, est recouvert par une dalle de granit dont le poids est de 60 tonnes.

Le nombre des pierres plantées de Carnac que l’on peut repérer aujourd’hui encore est de plusieurs milliers, et il était certainement bien supérieur autrefois. Presque tous ces blocs sont d’ailleurs entamés, ruinés, déplacés depuis longtemps. Déjà, à l’époque gallo-romaine, on exploitait les menhirs comme carrières et on se servait de leurs fragmens comme de grosses pierres pour clôturer les champs. Cette œuvre de destruction méthodique a été presque continue jusqu’à ces derniers temps. Un grand nombre d’églises du pays breton sont construites avec des débris de dolmens et de pierres plantées. Le porche d’ordre dorique de l’église Saint-Cornély de Carnac est composé d’énormes blocs de granit choisis parmi les plus beaux menhirs du pays.

Non moins intéressans sont les grands tunnels et les cryptes funéraires que l’on rencontre un peu partout sur cette côte bretonne. L’un des plus remarquables est celui de l’île de Gav’rinis, dans le Morbihan, dont nous avons déjà décrit le cromlech à demi noyé. Le tumulus de Gav’rinis, le « Galgal » pour employer le terme breton, est un monticule artificiel de pierrailles, dans l’intérieur duquel une galerie de 13 mètres de longueur donne accès à une crypte formée d’une quarantaine de menhirs de granit revêtus de peintures décoratives.

Le « Galgal » de Carnac est encore supérieur ; prodigieux remblai de 45 mètres de hauteur, formant une montagne circulaire de près de 100 mètres de circonférence composée de couches superposées, étagées en larges assises alternées de pierres sèches et de terre battue. A l’intérieur, une allée couverte de 60 mètres conduisait à une crypte de 8 mètres de longueur sur 2 mètres de largeur et d’un mètre de hauteur, dans laquelle on a trouvé des ossemens calcinés, des cendres, des armes en silex et en jadéite, des ornemens. Le petit temple romain qui surmontait autrefois la plate-forme a été remplacé par une chapelle dédiée à saint Michel. A côté, une grande croix de pierre sculptée qui étend ses