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une grande plaine sillonnée par les trois rivières d’Auray, de Vannes et de Noyalo, et habitée par une population ayant une certaine culture, régulièrement organisée, et dont nous avons sous les yeux toute une série de monumens.

III

Vannes, l’ancien Darioritum ou Dariorigum des géographes classiques[1], n’était très vraisemblablement pas accessible aux bateaux à l’époque romaine ; tout au plus, quelques barques plates pouvaient-elles remonter sa rivière. L’ancien port des Vénètes dont Dariorigum était la civitas paraît avoir été Locmariaker. Tout le monde a entendu parler des nombreux monumens mégalithiques qui font de cette partie de la côte de Bretagne un véritable lieu de pèlerinage pour les archéologues et même pour les simples touristes. Le littoral du Morbihan est en réalité un immense musée préhistorique en plein air. Les plus remarquables de ces monumens sont à Locmariaker même, à l’entrée de la rivière d’Auray[2]. Tout autour de la petite ville et en face de la mer se dressent, — pour ne parler que de ceux qui dépassent tous les autres que l’on peut compter par centaines, — le dolmen de « la Gendre, » Mané-Lud, de dimensions colossales et dont les faces intérieures portent des sculptures et des sigles jusqu’à présent à peu près inexpliqués ou d’une interprétation contestable ; le dolmen de Mané-Rutuel, dit la « Table brisée, » d’un volume encore supérieur ; la magnifique « Table des Marchands, » qu’on appelle aussi la « Table de la Fée, » Dol-er-Marc’hadourien ou Dol-er-H’roech, autre dolmen criblé comme le précédent de moulures inexpliquées ; le haut tumulus qui porte aussi le nom de la Fée, la « montagne de la Fée », Mané-er-H’roech, traversé par une galerie couverte de menhirs conduisant à une chambre sépulcrale ; enfin le prodigieux menhir qui mérite peut-être plus que tous les autres de porter le nom de « Pierre de la Fée, » Men-er-H’roech, l’un des plus gros monolithes du monde, que la foudre a renversé et qui gît, honteusement abandonné, brisé en trois morceaux dont l’un n’a pas moins de 12 mètres de longueur. Les dimensions primitives de ce colosse aujourd’hui couché, alors qu’il dressait fièrement sa tête vers le ciel, étaient de 25 mètres de

  1. Table de Peutinger, Segra., I. A, 1.
  2. Cayot-Délandre, le Morbihan, son histoire et ses monumens, 1847.