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semaines. Le 13 janvier 1643, Monsieur eut la permission de venir saluer le roi à Saint-Germain et en fut bien reçu. Le 19, Bassompierre et deux autres seigneurs sortirent de la Bastille. En février, les Vendôme revinrent d’exil. La vieille Madame de Guise, grand’mère de Mademoiselle, reprit aussi la route de France, où sa petite-fille lui fit fête. Louis XIII devenait chaque jour plus facile au pardon. La raison en était simple ; il allait mourir et le sentait. Il montrait à ses familiers ses membres de squelette, couverts de larges taches blanches, et leur contait qu’il avait été réduit en cet état par ses « bourreaux » de médecins, et par « la tyrannie du cardinal, » qui ne lui faisait « jamais faire les choses que par la contrainte[1] » de sorte qu’il avait succombé sous « les peines. » Il avait rempli ses devoirs religieux avec de grandes démonstrations de piété. Les députés du Parlement étaient venus ouïr devant son lit la Déclaration qui donnait le titre de régente à Anne d’Autriche et la réalité du pouvoir à un conseil nommé d’avance. Le roi Louis XIII n’avait plus rien à faire dans ce monde, où sa maladie était accompagnée de tout ce qui peut donner envie d’en finir, douleurs cruelles, misères dégoûtantes, puanteurs abominables, et le reste du cortège des lentes agonies. Le malheureux mit plusieurs mois à mourir, avec des hauts et bas inattendus qui dérangeaient les intrigues de la Cour et produisaient de grandes agitations à Saint-Germain. Le roi habitait le château neuf, bâti par son père, et dont il ne reste plus que le pavillon Henri IV. Anne d’Autriche était demeurée avec la Cour au château vieux, que connaissent tous les Parisiens. Dans les bons jours, cet arrangement assurait au malade un repos relatif. Dans les mauvais, Louis XIII n’échappait pas aux supplices inventés par l’étiquette. La foule du château vieux venait assiéger ses appartenons pour assister à son agonie. Elle s’y rencontrait avec le flot accouru de Paris, et c’était un piétinement, un entassement, un bruit, une chaleur affreusement pénibles pour le roi, qui demandait en grâce qu’on s’écartât de son lit pour lui laisser un peu d’air. Une rumeur montait de la cour et s’accompagnait d’explosions de sifflets ou d’applaudissemens au passage des hommes politiques. Les laquais et les pages étaient alors en possession de représenter l’opinion publique, comme, de nos jours, les camelots et les marmitons, et ils

  1. Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson.