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centre : le roi vint souvent de Saint-Germain assister au conseil. Si Richelieu se rendait lui-même chez le roi, il était environné d’une garde, qui était à lui et qu’il soldait lui-même ; car, dans la maison même du roi il ne voulait pas avoir à craindre ses ennemis ; un nombre de jeunes nobles des premières familles s’attachèrent à lui et faisaient le service de sa personne. Il avait une écurie parfaitement tenue, une maison plus brillante, une table mieux servie que celle du roi. »

A Paris, il menait un train royal au milieu des trésors en tous genres du Palais-Cardinal, aujourd’hui le Palais-Royal. Ce n’était pas le Louvre, habitation du roi, qui symbolisait le luxe et les arts de la France aux yeux de la foule et des pays étrangers, c’était la fastueuse demeure appelée dans le langage courant l’Hôtel de Richelieu. Il s’y trouvait des cabinets de travail et des boudoirs, des salles de bal et des collections d’objets d’art, une chapelle et deux théâtres. La bibliothèque avait eu pour noyau la bibliothèque de La Rochelle, enlevée à la ville après le siège. La chapelle était l’une des principales curiosités de Paris ; tous les objets servant au culte étaient en or massif et enrichis de gros diamans. « On remarquait[1], parmi ces précieux objets, deux chandeliers d’église entièrement en or, émaillés, enrichis de 2 516 diamans… On comptait sur les burettes, pareillement d’or émaillé, 1 262 diamans. La croix, de 20 pouces 9 lignes de hauteur, portait un Christ en or massif, dont la couronne et la draperie étaient garnies de diamans. Les Heures du cardinal de Richelieu faisaient partie de sa chapelle… La couverture, en maroquin, était entourée de lames d’or ; sur une de ses faces, on voyait un médaillon en or émaillé, offrant la figure de ce cardinal qui, à l’instar des empereurs, tenait en main le globe du monde. Quatre anges venaient, des quatre coins, poser des couronnes de fleurs sur sa tête. » Au-dessous, une inscription latine : Cadat. La grande galerie du palais, détruite sous Louis XIV, avait un plafond de Philippe de Champagne, représentant « les glorieux exploits du cardinal. » Une autre galerie, dite « des hommes illustres, » renfermait les portraits en pied de vingt-cinq grands Français, choisis par le cardinal. Au bas de chaque cadre, une rangée de tableautins représentaient les « principales actions » du personnage, ainsi que l’avait fait Giotto pour saint François d’Assise, ou Fra Angelico pour

  1. Dulaure. Histoire de Paris.