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surtout pour but de faire naître une généreuse émulation sur le terrain chrétien et social.

Il est difficile de porter un jugement définitif sur la loi du 15 mai 1883, qui rétablit les corporations détruites par la patente impériale de 1859, et les reconstitue, pour la petite industrie, sous la forme obligatoire, avec son apprentissage obligatoire, ses maîtrises, sa réglementation étroite. Mais il importe d’en bien faire ressortir l’économie. Les professions sont classées en trois catégories : 1° les professions libres, c’est-à-dire le commerce, le travail en fabrique, le travail à domicile ; 2° les professions considérées comme des métiers ; 3° les professions concessionnées, qui, en raison de leur utilité ou par raison d’ordre public, sont astreintes à autorisation et à surveillance. Les premières seules peuvent être exercées par le premier venu, qui n’a qu’une déclaration à faire. Pour exercer les autres, il faut un certificat d’apprentissage ou un certificat d’aptitude délivré par une école professionnelle.

Ce qui distingue surtout ces corporations des corporations allemandes, c’est que leur action ne s’étend pas au-delà de la commune ou d’un groupe de communes. Elles ont une administration autonome et vivent d’une vie indépendante, comme les anciennes ghildes ou corporations. Un grand nombre de corporations de métiers existent aujourd’hui en Autriche ; les résultats politiques et moraux ont été considérables dans certaines villes, les résultats économiques sont plus difficiles à reconnaître et plus discutables. Les caisses de secours, les cours professionnels ont produit beaucoup de bien, la participation des patrons aux dépenses des caisses de secours a amené un très réel apaisement. Les commissions arbitrales ont également été très bien accueillies dans un pays où n’existe pas l’institution des conseils de prud’hommes. On a pu cependant leur adresser certains reproches. Le principal, c’est le groupement arbitraire et la solidarité un peu factice qu’elles créent entre des industriels ou artisans n’ayant pas d’intérêts communs. « Reposant à la fois sur le groupement des industries similaires et sur le morcellement par provinces[1], les corporations autrichiennes n’ont parfois pu avoir une importance suffisante qu’en rapprochant des industries qui, en fait, n’ont rien de similaire. » De là des difficultés et des tiraillemens.

  1. Gruner, Loi d’assistance et de prévoyance en Allemagne.