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c’est l’autorité qui prend l’initiative et la direction de cette organisation.


III

On a bien souvent fait l’historique du mouvement corporatif en Angleterre. Dès 1869, le Comte de Paris avait exposé dans tous ses détails l’organisation du travail émanée de l’initiative populaire, et qui n’obtint la consécration légale qu’en 1875. Il a décrit les origines de ces grandes associations qui, actuellement, comprennent plus de 1 600 000 ouvriers syndiqués, possédant des réserves d’argent considérables, et dépensant, pour l’alimentation de leurs caisses de chômages, de grèves, de secours contre les accidens et les maladies, de secours pour l’invalidité et la vieillesse, des sommes qui, d’après les relevés officiels, ont atteint pour 1892 : 35 831 693 francs ; pour 1893 : 46 866 326 francs ; pour 1894 : 36 491 498 francs ; pour 1895 : 35 512 155 francs ; pour 1896 : 31 253 380 francs. Pour 1897 et 1898, les dépenses atteindront un chiffre plus considérable encore et dépasseront 50 millions, à cause de la grande grève des mécaniciens unis.

Les trade-unions sont organisées sur le type corporatif ; nul ne peut en faire partie sans le consentement des autres membres, ou tout au moins du bureau de l’union ; elles surveillent l’apprentissage, limitent le nombre des apprentis et cherchent à supprimer les excès de la concurrence. Elles sont actuellement presque toutes reliées aux unions de patrons par un conseil mixte ou comité permanent, qui règle d’un commun accord les tarifs des salaires, les conditions et la durée du travail, et toutes les questions professionnelles. Ce conseil se transforme au besoin en conseil d’arbitrage et remplit un rôle disciplinaire et pacificateur. Elles ont organisé l’enseignement professionnel, fondé des coopératives de consommation, et assuré dans la mesure du possible contre tous les risques l’existence du salarié travaillant au jour le jour.

Au point de vue économique, le résultat obtenu est remarquable et les trade-unions semblent avoir résolu le problème le plus difficile des sociétés modernes, celui du salaire. En substituant le marchandage collectif au marchandage individuel, en rétablissant l’égalité entre celui qui offre son travail et celui qui en bénéficie, les unions ont permis de laisser la liberté des