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ont proposé une invasion de notre pays avec 1 500 petits navires contenant 170 000 hommes… Cette proposition, qui a pu trouver place dans une aussi grave publication que la Revue des Deux Mondes, prouve combien l’opinion publique française est nerveuse quand il s’agit d’une guerre possible avec l’étranger. »

Même quand il s’agit des 1 500 petits navires, nous affirmons que les Anglais rient jaune toutes les fois qu’on parle en France sérieusement de l’invasion du territoire britannique, très vulnérable en effet. On peut désapprouver la présentation publique et bruyante, faite en 1899, de nos sous-marins, qui étaient étudiés d’ailleurs depuis longtemps ; mais il n’en est pas moins permis d’espérer que le sous-marin offensif ne laissera pas de faire faire de sérieuses réflexions à nos superbes voisins : il faut pour cela, en outre, que des transports bien aménagés, bien outillés, entourés de cuirassés sérieux comme les nôtres, soient prêts à utiliser notre immense supériorité au point de vue des forces propres à la guerre terrestre, seules capables de résoudre définitivement les querelles vitales entre les grandes nations.


Nous avons fait connaître, d’une façon générale, notre opinion sur la valeur des forces maritimes que nous possédons, en les comparant à celles que possèdent les Anglais, et sur les objectifs que doit se proposer la flotte française. Nous allons examiner les élémens qui doivent constituer ces forces.

Le navire de guerre de combat, on ne saurait assez le répéter, doit être cuirassé, de telle sorte que sa ligne de flottaison soit mise, d’un bout à l’autre et sur toute la hauteur voulue, à l’abri de l’invasion de la mer par des brèches ouvertes avec des obus de rupture, lancés par les canons les plus puissans de l’ennemi. Il doit avoir sa grosse artillerie dans des tourelles qui la défendent contre les mêmes obus.

Le croiseur cuirassé ou protégé, c’est-à-dire le navire très rapide, n’ayant qu’un blindage léger pour abriter son artillerie ou couvrir sa flottaison, avec un pont blindé pour protéger ses machines et ses soutes, est nul, si fortement armé qu’il puisse être, contre le plus petit cuirassé digne de ce nom ; il n’a de valeur que contre les croiseurs égaux ou plus faibles que lui en artillerie. Nous n’avons pas, sous ce rapport, fait plus mal que les autres ; mais le moment est venu de nous arrêter dans cette voie et d’employer à construire des cuirassés, des transports et des sous-marins offensifs