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auront été surpris par lui en flagrant délit d’opinions contraires sur les questions les plus graves. Mais il aura trouvé tout le monde d’accord sur un point très important, il est vrai : La situation présente est mauvaise. Nos navires sont médiocres. Les défenses de nos ports sont incomplètes. Il serait impossible de faire la guerre à une grande puissance maritime sans s’exposer à un désastre. Ces déclarations, conséquences naturelles de tout ce que je viens de dire, doivent avoir, à nos yeux, une contre-partie rassurante, celle que nous avons énoncée : il suffirait d’un peu d’ordre et de commandement pour changer du noir au blanc l’état de choses présent, qui est médiocre. Mais, formulées par toutes les autorités, ces déclarations n’en ont pas moins eu des effets déplorables. Elles ont entraîné des dépenses aussi considérables qu’improductives, par suite de l’application, successive et toujours incomplète, de systèmes contradictoires. Enfin, par leur accent de plus en plus pessimiste, toutes les fois que la France aurait dû faire tête et défendre, avec ses forces navales, ses intérêts et son honneur, elles nous ont conduits à l’humiliante retraite de Fachoda, en 1898, et à l’abandon de l’Egypte, en 1883.

La responsabilité de cet état d’esprit si grave, si désastreux, et qu’il faut changer, incombe principalement au régime parlementaire, sous lequel les hommes politiques ont plus à craindre du triomphe de la France que de sa défaite, et ont tout à gagner par la prolongation de la paix à tout prix. Courbet, vainqueur dans les mers de Chine, énergique, sachant ce qu’il voulait, capable, en raison de son caractère, de l’exiger, inspirait de l’inquiétude à ces maîtres de la France ; tout a été fait pour user ses forces et faire disparaître une personnalité qu’on trouvait menaçante. Le général Dodds, vainqueur au Dahomey, ayant mené à bien, avec une sagesse, une vigueur et une simplicité merveilleuses, une entreprise aussi difficile que périlleuse, a été longtemps suspect. On l’a laissé, pendant sept années, passer de vagues inspections et commander des brigades aussi peu organisées que variées, sans lui donner le grade de divisionnaire ; et certes, sans faire de tort à personne, il n’y a pas en France un général de division, un commandant de corps d’armée, ni peut-être même un commandant d’armée qui ait à son actif rien de comparable à la campagne du Dahomey.

La première cause, la cause-mère, pour ainsi dire, de l’état de découragement incontestable, qui existe dans la marine, est