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la machine à faire le bas, à l’intérieur de petites boîtes vitrées[1]. De la sorte, la précieuse matière première se trouve garantie tant de l’excès d’humidité que des éclaboussures grasses.

Nous renonçons à expliquer le mécanisme d’une machine qui, en platines, pièces d’abatages, ressorts, griffes, aiguilles, vis de toutes sortes, compte plus de deux mille pièces. Nous voyons l’ouvrier suivre les péripéties de la confection de son bas, qui, comme au tricot, prend naissance par la partie haute[2], se poursuit par les entrées, les diminutions, le talon, la semelle. On n’ignore pas que le talon est toujours renforcé, c’est-à-dire que, la trame étant la même, on emploie deux fils au lieu d’un.

Tel que l’ouvrier le termine, le bas figure une bande plate à sinuosités symétriques. Toutefois il y manque la « pointe » (on nomme ainsi la partie qui enveloppe les orteils), qui est invariablement renforcée et exécutée au moyen d’une machine spéciale, différente du métier ordinaire et plus coûteuse encore.

Avec le métier mécanique à vapeur, l’ouvrier peut tisser de très jolis bas, mais à l’exclusion de la marchandise extra-fine correspondante aux gros numéros de jauge. Pour ces derniers articles, force est de recourir aux vieux métiers français. Aussi l’atelier des métiers à vapeur est-il doublé d’un autre atelier plus petit, où des travailleurs des deux sexes opèrent suivant l’antique procédé. Mais la maison, comme toutes les autres fabriques de Ganges, emploie un très grand nombre d’hommes et de femmes qui ne viennent à l’usine du patron que pour chercher de l’ouvrage et emportent chez eux la pièce brute pour la préparer à domicile[3].

Vu leur complication, les métiers de l’ancien comme du nouveau modèle se détraquent souvent. Aussi deux ateliers de réparations, l’un pour les métiers à bras, l’autre pour les métiers mécaniques, fonctionnent-ils en permanence chez MM. L.., et des machines de réserve destinées à remplacer les appareils

  1. Le degré convenable d’humidité joue un grand rôle dans la manipulation d’une matière textile aussi hygroscopique que la soie. Aussi, dans le cours de la longue série d’opérations, qui débute au moulinage pour se terminer au classement en boites par douzaines, la soie subit-elle divers traitemens, que nous ne pouvons exposer ici, afin de l’humecter ou de la dessécher à propos.
  2. Les bas autrefois se faisaient très montans. Les « jarretelles » succédant aux jarretières ont permis de les raccourcir.
  3. Total approximatif de travailleurs salariés par la maison L… : 450, domiciliés tant à Ganges qu’aux environs. Les hommes comptant dans ce nombre pour un tiers environ.