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élections, les mœurs idylliques prédites par certains de ses apologistes ; mais elle y introduira certainement un élément de pacification et même d’honnêteté. Elle permettra aux partis de se faire représenter par leurs meilleurs candidats et aux candidats d’apporter plus de franchise dans leur altitude électorale.

Sous le régime majoritaire, la différence numérique des partis est-elle faible ? C’est la guerre à outrance. Est-elle forte ? C’est l’apathie du corps électoral. La représentation proportionnelle fera pénétrer la lutte jusque dans les circonscriptions les plus inféodées à certains partis, mais elle enlèvera partout à cette lutte le caractère d’âpreté qu’engendre l’importance exagérée de l’enjeu. Elle garantira les droits de la majorité vraie, en empêchant le triomphe abusif d’une minorité favorisée par les hasards des scrutins. Elle donnera plus de fixité à la possession des sièges ; il est même possible qu’elle ralentisse les modifications dans la distribution des partis au sein des assemblées, mais elle mettra ces modifications en correspondance avec les mouvemens réels de l’opinion, et elle agira comme un balancier pour régulariser les oscillations du pouvoir. Elle amènera parfois la multiplication des groupes, mais elle affaiblira l’esprit de parti, qui est le principal obstacle à leur entente, et tendra à faire prédominer la politique de transaction sur la politique de combat. De pareilles perspectives ne sont peut-être pas pour plaire à tout le monde, elles ne peuvent que réjouir ceux qui souhaitent de relever l’autorité des institutions parlementaires, parce qu’ils y voient, malgré tout, la meilleure garantie de la liberté.

Malheureusement cette réforme se heurte à un obstacle plus grave que les scrupules des théoriciens : l’indifférence, voire l’hostilité de ceux qui ont précisément la charge de la réaliser, Les parlementaires sont au premier rang pour découvrir les vices de leur régime électoral. Mais tous les parlemens se ressemblent en ce qu’ils ne sont jamais pressés de modifier l’organisation dont ils émanent. Il est assez naturel que les chefs de parti regardent avec défiance une innovation de nature à relâcher les liens de la discipline parmi leurs adhérens. Quant aux nombreux députés qui doivent souvent à leur mandat la meilleure partie de leur prestige, ils se rendent compte que les sacrifices, exigés par ce bouleversement électoral, s’opéreront sans doute à leurs dépens, et ils n’ont, en général, aucun goût pour le rôle de Curtius. Hors du parlement, il y a bien la presse, ensuite tous ceux qui s’occupent