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légèreté, la souplesse et la douceur[1] : l’élasticité de la soie, en effet, ajuste sur la peau le tissu en le rendant « collant » (d’où l’expression proverbiale : aller comme un bas de soie) ; vu sa mauvaise conductibilité calorique[2], à partir d’une certaine épaisseur, le tricot de soie garantit à merveille du froid extérieur. Enfin, et c’est par cette considération que nous finissons, l’élégance trouve largement son compte à l’usage de la soie. Ce n’est pas d’hier que le luxe des bas a fait son apparition, et de longue date, le Languedoc, les basses Cévennes ont conquis le premier rang dans l’industrie bonnetière. Aussi croyons-nous devoir procéder à une introduction historique abrégée propre à éclairer la partie principale de notre sujet.


I

Depuis le règne de Louis XIII jusqu’à l’époque de la Restauration, lorsque l’usage du pantalon actuel se généralisa, les bas de soie ont continuellement accompagné la culotte courte en toilette un peu habillée. D’une part, il est vrai, en voyage, à l’armée, à la chasse, le port de la botte les rendait inutiles ; d’autre part encore, du moins au siècle dernier, on les recouvrait de guêtres ou jambières pour garantir les mollets du froid, en hiver, lorsqu’on sortait. Rien auparavant, le poète Malherbe, très coquet dans sa tenue, mais frileux jusqu’à l’excès, en portait, dit-on, jusqu’à douze paires superposées ; car, à son époque, exhiber des bas de laine eût paru acte de cuistre ou pédant ignare des usages de la bonne société.

Quant aux femmes, il est probable qu’au XVIIe siècle elles ne négligeaient pas le luxe de la chaussure ; conformément aux habitudes qui prévalent encore aujourd’hui, les bas, de nuances vives ou foncées, accompagnaient des robes longues qui les laissaient à peine distinguer. Mais pour le XVIIIe siècle, période plus intéressante parce qu’elle est plus rapprochée de nous et qu’elle

  1. Nous tenons d’un vieux militaire qui, dans son extrême jeunesse, avait débuté au service avec des anciens officiers du premier Empire, que ceux-ci vantaient beaucoup l’usage du bas de soie pour éviter les écorchures aux pieds dans le cours de leurs longues étapes à travers l’Europe.
  2. La soie, gardant encore mieux l’électricité que la chaleur, s’électrise par le moindre frottement. Cette propriété a même permis à Symmer, un des plus anciens électriciens connus, d’observer de curieux phénomènes rien qu’en se déchaussant le soir. (Mascart, Traité d’Électricité statique, t, I.)