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Indépendamment de l’intérêt qu’ils présenteront toujours comme ports de pêche, le Croisic et le Pouliguen jouissent, depuis quelques années, d’une très grande vogue pendant la saison d’été, et cette vogue est parfaitement méritée. Les 20 kilomètres de côtes qui séparent la pointe de Chemoulin de celle du Croisic sont en effet découpées d’une manière merveilleuse. Il y a un siècle à peine, le fond de la baie du Pouliguen était encore menacé par des dunes mouvantes ; et le vieux bourg d’Escouhlac dort aujourd’hui enseveli sous le sable, comme tant de villages des Landes et de la côte d’Arvert. Ces dunes ont été fixées, plantées, et sont aujourd’hui recouvertes de magnifiques bois de pins. Un nouvel Escoublac s’est reconstruit à la hâte dans la jeune forêt. La Baule, le Pouliguen et Pornichet sont devenus ainsi des séjours de villégiature estivale très appréciés ; et les ombrages les plus séduisans y dominent une mer splendide, qui vient mourir sur des plages doucement inclinées.

Un peu plus loin, entre le bourg de Batz et le Croisic, sur près de 10 kilomètres de longueur, les vagues ont admirablement modelé toute la côte, laissant heureusement de distance en distance de petites anses bien abritées entre des falaises d’un aspect imposant. Nulle part l’Océan n’a travaillé avec plus de fureur, mais, on peut le dire aussi, en plus grand artiste. De superbes rochers de granit noir se dressent menaçans en pyramides aiguës, en pylônes gigantesques, déchiquetés, fendus, perforés, surplombant quelquefois l’abîme dans lequel des blocs énormes recouverts d’eau et d’écume sont couchés comme des animaux fantastiques et monstrueux de quelque époque disparue. Par certains jours de tempête, le ressac des vagues est éblouissant de lumière. Le mugissement de la mer se répercute d’échos en échos et se prolonge en grondemens d’une sonorité terrible. Les coups de bélier se précipitent comme des décharges formidables et font trembler le sol. Le spectacle est réellement féerique, de ceux qu’on ne peut décrire et qu’on ne saurait oublier.

CHARLES LENTHÉRIC.