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toujours assez agité et d’un accès même un peu dangereux par les vents du Sud et du Sud-Ouest. Malgré le déclin de l’industrie salicicole dans l’Ouest, le sel constitue toujours le principal élément du trafic, soit près de 8000 tonnes à l’exportation. Le mouvement total ne dépasse guère 15 000 tonnes, 5 000 à l’entrée, 10 000 à la sortie.

Placé à la pointe même qui porte son nom, le Croisic peut être considéré comme le dernier port de la Loire maritime, à l’extrême limite de l’estuaire du fleuve. La péninsule granitique dont il occupe le sommet est à peine soudée à la terre par un isthme qui, dans sa partie la plus étroite, n’a guère qu’une largeur de 300 mètres. Cette soudure est toute récente et semble même à chaque instant menacer de se rompre.

En arrière de l’isthme s’étendait autrefois ce long bras de mer dont nous avons parié plus haut, désigné sous les noms caractéristiques de « Grand-Traict » et de « Petit-Traict, » transformé depuis une époque récente en marais salans qui finiront peu à peu par se colmater et devenir un territoire agricole. La configuration des lieux semble indiquer qu’il a dû exister de tout temps un port au Croisic. On a naturellement cherché à y placer, comme un peu partout dans la région de l’embouchure de la Loire, le célèbre Portus Brivates de Ptolémée ; mais nous avons vu qu’il devait très certainement se trouver à l’ancienne embouchure du Brivet, dans les eaux de Saint-Nazaire ; et nous rappelons qu’on peut considérer comme très probable que le Croisic et le bourg de Batz, qui étaient autrefois séparés du continent par le détroit du Traict, devaient constituer l’île ou les îles des femmes d’Artémidore et de Strabon.

Le Croisic n’entre d’ailleurs dans l’histoire positive qu’à la fin du Ve siècle, avec l’invasion des Saxons, qui se sont implantés alors sur toute cette partie de la côte d’une manière à peu près continue et semblent avoir laissé, surtout à la population si vigoureuse des pêcheurs de Batz, un type très original, des mœurs un peu dures et un air de race très accentué. Ce serait aussi à peu près de cette époque que daterait son nom, qui rappellerait assez naturellement l’évangélisation de saint Félix, évêque de Nantes, vicus Cruciatus, village de la Croix, le Croisic. Mais quelques étymologistes très bretonnans tiennent à le faire dériver du gaélique ou de l’armoricain groaz, petite grève. Quoi qu’il en soit, le Croisic a été, dès le VIIe ou le VIIIe siècle, un havre assez fréquenté