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De Nantes à Couëron, sur une vingtaine de kilomètres environ, la Loire paraît avoir eu de tout temps la même largeur. Quelques inflexions de ses bras peuvent avoir changé, quelques îles ont pu se transformer, se déplacer même ; mais le fleuve s’est maintenu dans ses grandes lignes et a gardé le même caractère, la même physionomie. A partir de Couëron au contraire, il s’est notablement élargi ; et la rive droite présente jusqu’à Saint-Nazaire une succession de berges très basses et de petits plateaux rocheux d’une très faible altitude, de 10 à 20 mètres en moyenne. Quelques-unes de ces berges sont encore submersibles par les grandes crues ; elles sont formées d’alluvions récentes qui ne paraissent pas remonter beaucoup plus haut que l’origine de notre ère ; et ou peut regarder comme à peu près certain qu’à l’époque romaine, toute la zone aujourd’hui émergée pendant la plus grande partie de l’année, qui s’étend entre le chemin de fer de Nantes à Pontchâteau et la Loire moderne et qui a une largeur variant de 4 à 12 kilomètres et un développement d’une trentaine de kilomètres, faisait autrefois partie du fleuve lui-même, et présentait une série d’anses naturelles, dans lesquelles tous les navires de l’époque pouvaient facilement pénétrer et mouiller dans des eaux tranquilles et presque mortes, à l’abri de tous les courans.

D’une manière générale, toutes les escales de la rive droite moderne étaient alors des îles. Lavau, Donges-sur-Loire, Montoir en Bretagne étaient entourés de tous côtés par l’eau, insubmersibles sur de petits massifs rocheux surexhaussés en moyenne de 10 à 15 mètres au-dessus du sol de la plaine inondée et navigable. Cette lagune vive s’est graduellement transformée depuis en une grande vasière coupée de nombreux étiers d’écoulement.

Le plus important et le plus remarquable de tous ces golfes, aujourd’hui comblés par les alluvions, est l’étrange pays qu’on désigne sous le nom de « la Grande-Brière. » Ce n’est ni un marais, ni une lande, ni une prairie, ni un terrain en culture ; et c’est un peu de tout cela. Vaste plaine de près de 3 000 hectares, qui change d’aspect deux fois par an. En été le sol est recouvert de roseaux et d’un assez maigre tapis gazonneux, et plus de 10 000 moutons y broutent une herbe salée qui donne à leur chair une qualité supérieure ; en hiver, c’est un lac où l’on pêche du poisson et où l’on chasse du gibier d’eau. Mais ce ne sont là que les revenus accessoires et, pour ainsi dire, d’agrément de ce bassin tour à tour lacustre et émergé. C’est le sous-sol, en réalité, qui en