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opportune en certaines conjonctures, pareille à un hatti-chérif quelconque, dont il a toujours la faculté de suspendre ou de révoquer les dispositions. Vous serviez tout simplement sa politique, en acceptant une loi qu’il avait spontanément édictée et qui n’était nullement à ses yeux un pacte conclu avec vous : vous deveniez même, selon sa doctrine, presque séditieux, en interprétant suivant vos idées personnelles les mesures qu’il avait prises et dont lui seul était le juge, en regardant comme une révolution ce qui n’était pour lui qu’un incident, qu’une manifestation, plus ou moins durable à son gré, de sa volonté impériale.

— J’entends, dit-il avec tristesse, que nous sommes alors condamnés à la servitude et qu’il faut abandonner l’espoir de destinées meilleures.

— Je ne veux pas être, repris-je, aussi pessimiste. L’action du temps s’exerce assurément pour vous, et le découragement la rendrait stérile. Puis les termes du problème se modifient sans cesse et déroutent les prévisions. La situation de l’année dernière n’était pas la même qu’à l’époque du traité de Paris : elle est aujourd’hui renouvelée ; je ne sais ce qu’elle sera au Congrès de Berlin où je vais, et, avant la fin du siècle, elle sera différente encore. Est-ce bien, est-ce mal ? qui pourrait en préjuger ? En tout cas, ce que je crois, c’est qu’elle ne saurait être avantageusement transformée ni par le régime parlementaire, ni même, — cet aveu vous étonnera peut-être, — par des règlemens proposés par les Cabinets européens : la Porte, qui s’expose aux plus graves périls quand elle les repousse, les neutralise toujours quand elle les accepte ; d’un autre côté, ce système exige une intervention continue, qui lasse les Puissances et risque sans cesse de troubler leur accord. C’est donc de l’initiative du gouvernement ottoman, — et en cela vous étiez dans le vrai, — qu’il faut attendre en Turquie des progrès efficaces. Entrera-t-il dans cette voie ? c’est le secret de l’avenir. Mais je suis persuadé que l’empire se régénérera par lui-même, c’est-à-dire par des combinaisons qui seront les siennes, ou qu’il ne se régénérera pas. C’est l’enseignement qui ressort des expériences précédentes et des faits dont nous venons d’être témoins. En ce sens, ils n’auront pas été inutiles. Il est bon que certaines idées aient été émises, que le Sultan ait fait appel, même temporairement, même sous une forme illusoire, même dans une pensée spéciale, au concours de ses sujets : les parcelles de vérité ne sont jamais perdues. Des réformes provinciales, appliquées de