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l’État développe chaque jour ses attributions dans les différentes sphères de la vie sociale. Une de nos préoccupations dominantes, en ce tournant de l’histoire, doit être de protéger les démocraties contre elles-mêmes, en favorisant tout ce qui vise à garantir les droits des minorités sans entraver le progrès. Qui sait si la représentation proportionnelle ne restera pas le dernier frein au despotisme du nombre ? C’est, en tout cas, le seul dont l’introduction puisse se justifier au nom même de l’égalité.

Rien ne sert mieux les vues des partis extrêmes que l’ardeur exagérée des luttes électorales. Rien n’est plus opposé à la conception fondamentale d’une politique pondérée que les brusques déplacemens du pouvoir. Quand les changemens de majorité dépendront de modifications lentes et profondes dans les dispositions des couches électorales, les déclamations, les pièges et les calomnies de la dernière heure devront céder le pas, dans tous les partis, à la propagande calme et incessante par les raisonnemens et les actes. « L’élection, écrivait M. Naville en 1865, ne sera plus que le temps de la moisson ; chacun recueillera ce qu’il aura semé. »


IV

D’origine récente dans son principe, la représentation proportionnelle l’est plus encore dans son application. Pendant longtemps ses adversaires ont tablé sur l’impossibilité de la réaliser pratiquement : autant de proportionnantes, disaient-ils, autant de systèmes qui se détruisent l’un l’autre. En supposant qu’on découvre une formule satisfaisante, jamais on ne la ferait comprendre et encore moins accepter par un corps électoral dont une forte partie sait tout au plus compter sur ses doigts. Enfin, dût-on même réussir à faire l’éducation des votans, on échouerait devant l’insuffisance des scrutateurs que réclame le fonctionnement d’une pareille horlogerie électorale.

Toute cette argumentation a aujourd’hui perdu sa force. Le problème de la représentation proportionnelle a traversé, au début, une période de tâtonnemens et d’essais, où les mathématiciens ont eu beau jeu. Le raisonnement a eu bientôt fait justice des combinaisons qui ne répondaient pas au but ou qui offraient une complexité encombrante. Parmi les systèmes qui ont surnagé, quelques-uns ont dû aux controverses, dont ils ont été l’objet, des