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qu’ils avaient forcés, les gardaient captifs dans de vastes enclos, pour les plumer à intervalles périodiques. Mais l’élevage et la production méthodique de cet oiseau était regardée comme une chimère. La Société française d’Acclimatation mit la question au concours de 1856, et le prix fondé par elle fut remporté, après diverses expériences, en 1862, par M. Hardy, directeur de la pépinière du gouvernement général de l’Algérie, qui avait obtenu de plusieurs couvées un nombre respectable de petits autruchons, les avait élevés et fait reproduire à leur tour.

Stimulés par l’heureuse issue de cette tentative, les colons anglais et hollandais organisèrent de grands parcs à autruches. On ne comptait dans l’Afrique du Sud que 80 de ces animaux à l’état domestique, lorsqu’ils commencèrent leurs opérations en 1865. Dix ans plus tard, le nombre avait passé à 22 000 et atteignait 50 000 en 1880, d’après un recensement officiel. L’exportation des plumes suivait un développement parallèle : de 1 500 kilos au début, elle s’éleva progressivement à 30 000, 60 000 et 90 000 kilos, représentant une valeur de 23 millions de francs et devenant, après les diamans et la laine, le principal trafic de la colonie.

Grâce à des appareils perfectionnés d’incubation, la réussite des couvées est toujours assurée ; à trois ans, l’autruche est parvenue à l’âge adulte, et sa période de productivité dure une quinzaine d’années. L’entretien annuel coûte environ 90 francs par tête, et la tonte, représentée par 1kg, 500 de plumes, rapporte au minimum 250 francs et a parfois dépassé 1 000 francs ; l’élevage est donc très rémunérateur.

La plume ne s’arrache pas ; elle se coupe, à une petite distance de la peau, tous les huit mois au Cap et tous les dix mois en Algérie, où cette industrie est aussi en voie de développement. Le tuyau, resté sur l’animal, se flétrit alors et tombe au bout de quelques semaines, tandis que pointe une plume nouvelle.

Les prôneurs systématiques du « bon vieux temps, » — il s’en trouve parmi les plumassiers comme ailleurs, — prétendent que le duvet des autruches en liberté était, comme tout ce qui pousse à l’état sauvage, plus fort que celui des oiseaux privés de maintenant ; que l’animal parqué se tourmente, se gratte, et qu’un coup de bec sur une plume lui fait perdre toute sa qualité. Les partisans du progrès remontrent, au contraire, que les autruches du Cap, par une nourriture appropriée et des soins intelligens,