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ou qui ont passé pour tels, qu’il semble difficile de découvrir, sur ce terrain, du neuf qui ne soit pas un peu vieux. Aussi est-ce du passé que la plupart des inventeurs actuels tirent leurs inspirations : une maison connue possède une collection de livres et de gravures de modes, du XVIe siècle jusqu’à nos jours, supérieure, dit-on, au point de vue de la variété, à celle même de la Bibliothèque nationale. Elle figurera à l’Exposition prochaine, et les amateurs l’estiment à un prix énorme. Il y a de tout dans cette galerie, qui commence par le minois folâtre d’une reine de la main gauche, en 1470, et se termine par la silhouette pensive d’un « trottin » de 1900.

Que d’imagination, juste ciel ! et combien les hommes ont de génie, pour avoir su accommoder tour à tour, au visage féminin, des encadremens si variés et si contraires. De ces coiffures sphériques, carrées ou pointues, tantôt élancées et sveltes, tantôt aplaties et écrasées, les unes ressemblent à des cornettes de religieuses ou à des tricornes de mousquetaires, les autres à des mitres d’évêques ou à des bousingots de marins. Il en est qui copient le turban des bédouins ou le « corno » des doges de Venise ; il en est qui rappellent le bandeau des reines ou la casquette d’automobile, flanquée depuis peu des ailes de Mercure. Des « tromblons » à panaches ont été délaissés pour des « calèches » à bavolets, et parfois les têtes sont passées brusquement, d’un attirail formidable qui les enclavait jusqu’au cou, à des toques qui couronnaient à peine le sommet du crâne.

On ne sait ce qu’il faut admirer davantage, de la plasticité des faces humaines qui, si bizarrement enchâssées et encadrées, continuent de plaire, ou de l’incohérence des goûts qui attachent successivement les agrémens et la bienséance à des choses tout opposées. Car les parures mises aujourd’hui au rang des choses passées et qui ne sont plus ont, chacune en sa nouveauté, embelli celles qui les portèrent.

Au fait, n’est-ce pas naïveté de s’étonner des révolutions de la mode dans le costume, lorsque la mode change sans cesse, au long des siècles, dans le parler et dans le style, dans le gouvernement et dans la cuisine, dans les parfums et dans les dévotions, dans l’ameublement et dans les idées, dans les divertissemens et dans les études, dans les relations des sexes et dans les rapports de famille, dans les arts et dans la façon de vivre, dans la morale même et par exemple dans ce qu’on appelle « l’honneur, » enfin