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assorties, d’une part les socialistes et les radicaux, d’autre part les catholiques et les conservateurs protestans. Mais ces divorces, qui se sont opérés à la satisfaction réciproque des intéressés, offrent un argument de plus à ceux qui aiment, en politique, les situations nettes et franches. — Nulle part la représentation proportionnelle n’a produit, jusqu’ici, une pullulation de partis ou plutôt de groupes analogue à celle dont le régime majoritaire a doté le Reichstag de l’Empire allemand : 102 membres du Centre, 61 conservateurs, 56 socialistes, 50 progressistes, 49 nationaux-libéraux, 20 partisans de l’Empire, 14 Polonais, 13 antisémistes, 10 Alsaciens, 9 guelfes, 9 agrariens et 5 « sauvages, » sans compter 1 socialiste chrétien, 1 Danois et 1 Lithuanien !

On a aussi exprimé l’appréhension que les doctrines, même les plus subversives, ne réussissent ainsi à se faire représenter officiellement. C’est une question de savoir s’il ne vaut pas mieux les rencontrer dans le grand jour de la contradiction parlementaire que de les réduire à fermenter sourdement dans les couches profondes de la nation. Quoi qu’il en soit, cette controverse serait désormais sans objet, car il n’est plus guère de pays où les opinions anticonstitutionnelles, voire anti-sociales, aient encore besoin de la représentation proportionnelle pour forcer les portes du parlement. Ceux qui dénoncent la représentation proportionnelle comme une cause de stagnation politique font valoir que, sous ce régime, tout député, une fois élu, pourra conserver indéfiniment son siège ou, du moins, qu’à chaque renouvellement, les mandats seront répartis entre les différens groupes dans la même proportion ; le gain d’un siège ne vaudra pas l’effort à faire pour amener le déplacement requis de suffrages ; les partis resteront « clichés » à la fois dans le corps électoral et dans la législature. Ceux qui, au contraire, veulent exposer le côté anarchique de la réforme font entendre qu’en amenant la formation d’un parlement où aucun parti n’aurait la majorité absolue, elle entravera complètement l’exercice du pouvoir. Les cabinets, — en admettant qu’ils réussissent à se constituer, — seront sans cesse à la merci de coalitions entre les divers élémens de l’opposition ; ils ne pourront se maintenir qu’à force de compromissions ; la politique deviendra un perpétuel marchandage au jour le jour. — A la première de ces deux thèses les proportionnalistes répondent qu’un des abus les plus flagrans auxquels il importe de remédier, c’est précisément la dangereuse facilité avec laquelle une poignée