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étranges ; — qu’elle n’accentue les dissensions électorales et qu’elle ne tue la vie politique ; — qu’elle n’empêche la formation de majorités gouvernementales et qu’elle ne perpétue la domination du parti au pouvoir. — Ces objections, quoi qu’en disent les apologistes de la réforme, ne se réfutent pas forcément les unes les autres ; elles ne sont contradictoires que si on les formule conjointement en termes absolus. Une même, institution peut très bien, suivant les circonstances, engendrer des inconvéniens contraires. Les périls qu’on dénonce ici ne sont pas particuliers à tel ou tel mode de représentation ; ils sont une conséquence inévitable du régime représentatif ; la question est de savoir si la représentation proportionnelle contribuera à les développer ou à les restreindre.

Le reproche de pousser aux coalitions peut être écarté sommairement. Ou bien on se trouve devant deux partis qui sont désormais certains d’obtenir leur part de représentation ; et pourquoi iraient-ils se coaliser, quand ils peuvent aboutir au même résultat en gardant leur complète autonomie ? Ou bien il s’agit de groupes isolément trop faibles pour obtenir un seul siège ; et il peut arriver qu’ils se coalisent, mais la nécessité s’en fera bien moins fréquemment sentir que sous un régime où, pour exercer quelque influence, les partis doivent atteindre la majorité absolue des suffrages.

D’un autre côté, quand des minorités, même relativement peu considérables, seront certaines d’obtenir leurs mandataires, les moindres nuances d’opinion ne voudront-elles pas être représentées ? Bien plus, ne verra-t-on pas des intérêts particuliers, en opposition avec l’intérêt général, se chercher et se grouper au détriment des partis politiques ? — S’il s’agit d’intérêts respectables, véritablement lésés par les actes du pouvoir, on ne peut regretter qu’ils obtiennent des mandataires pour appuyer leurs griefs légitimes. S’agit-il, au contraire, de véritables coalitions contre le bien public : elles ne tarderaient pas, en Europe du moins, à soulever un tel mouvement de protestation qu’elles seraient du coup réduites à l’impuissance. Pour quiconque observe le mouvement contemporain des démocraties, il est peu probable qu’on arrive ainsi à entamer sérieusement les cadres des anciens partis, partout où ils répondent aux divisions naturelles de la politique nationale ou aux tendances essentielles de l’esprit humain. En tout cas, le reproche est assez étonnant, quand on le rencontre chez ceux qui