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— où existent des partis politiques. Les candidats continuent à y être choisis parmi les habitans de la circonscription ou parmi des étrangers qui se prétendent au courant des besoins locaux. Ils rivalisent de promesses qui se rapportent directement aux intérêts matériels de leurs électeurs. Toutefois, ils se réclament en même temps de certaines doctrines générales, font appel en première ligne aux affinités d’opinion et, une fois élus, se groupent d’après ces affinités, dans les assemblées. Nous sommes donc autorisés à conclure que le véritable fondement de la représentation nationale, c’est la division en partis politiques et, dès lors, il est rationnel que ces partis soient représentés au parlement en proportion de leur force numérique dans le corps électoral.

Mais, dira-t-on peut-être, c’est reconnaître officiellement l’existence des partis politiques. Pourquoi pas ? Certains proportionnantes, tels que Stuart Mill, refusent d’admettre que les partis, comme tels, aient la faculté d’être représentés. Ils entendent fonder exclusivement la représentation proportionnelle sur le droit que possède tout citoyen de concourir par l’élection à l’exercice de la souveraineté. Cette distinction est sans portée au point de vue où nous nous plaçons. Que le droit de suffrage ait pour but d’exercer la souveraineté par l’entremise de mandataires, ou simplement de constituer l’organe investi du pouvoir législatif ; qu’il soit en lui-même un droit individuel, dérivant de la qualité de citoyen, ou un droit individualisé, procédant d’une délégation de l’État, il n’en subsiste pas moins au profit de tous les citoyens inscrits sur les listes électorales ; et, comme ceux-ci ne peuvent l’utiliser efficacement qu’en se groupant, ces groupemens, — qu’on les appelle ou non des partis, — doivent être considérés comme une condition nécessaire de son exercice.

Que se passe-t-il actuellement sous le régime majoritaire ? Des associations ou des comités librement formés choisissent des candidats qui s’engagent à « représenter » une idée, un intérêt, voire tout un programme de réformes, et c’est entre ces candidats que l’électeur est appelé à choisir. Il y a, sans doute, des candidats qui se présentent spontanément. Mais ils n’en soutiennent pas moins un programme politique ; ils possèdent, eux aussi, un comité, un groupe d’amis ou de partisans, qui patronne leur candidature et conduit leur campagne. La représentation proportionnelle ne changerait rien à cette organisation, sauf que, dans chaque parti, les minorités qui se croiraient sacrifiées auraient